Partie 2 - Chapitre 8

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Citadelle d'Avril

Bois de la source

—  Ne me demande plus jamais de faire quelque chose comme ça.

Nolan et Mara se sont cachés dans la forêt non loin de l'orée du bois et attendent patiemment la fin de la journée. Depuis la traversée du pont, ils ne se sont pas beaucoup adressé la parole et la phrase de Nolan vient briser brusquement leur silence. Adossée contre un arbre, Mara continue de gratter le sol de la pointe du pied.

—  De quoi tu parles  ?

—  Je veux dire, ne me demande plus jamais de manipuler quelqu'un en utilisant l'Art.

—  Et pourquoi pas  ?

—  Je ne sais pas si tu l'as remarqué mais j'ai failli tuer ce garde  !

Nolan a dangereusement haussé la voix. Mara se redresse, regarde nerveusement autour d'elle, puis vient s'asseoir près de son camarade en lui faisant signe de se taire.

—  Calme-toi  ! Il n'est pas mort que je sache  !

—  Non, mais ça aurait bien pu être le cas  !

—  N'en fais pas tout un plat  ! Il faudra bien que tu t'y fasses de toute façon...

—  Et pour quelle raison  ?

—  Je vois plutôt ça comme une qualité... Tuer quelqu'un sans faire de bruit, sans mouvement, sans que personne ne s'en aperçoive... Ça te sera utile quand les batailles arriveront...

Nolan ne répond pas. Pour l'instant, l'idée même de partir en guerre le révulse. En guerre contre qui  ? Personne ne le sait, lui encore moins. En guerre contre quoi  ? En ce moment, ce ne sont pas des kaurocs qui lui veulent du mal, mais plutôt des Artistes, ceux qui sont censés le protéger  ! En guerre pour quoi, ou pour qui  ? Plus il découvre le monde des Artistes, moins il a envie de les aider. Et encore moins l'envie de tuer quelqu'un. Il avait cru comprendre que ses ennemis seraient des monstres. Bien, ça aurait simplifié les choses. Mais depuis que ce sont des hommes qui le pourchassent...

—  Je n'ai pas envie de faire ça...

—  Tu penses réellement que tu es le seul dans ce cas  ? Nous deux, nous avons au moins une chance de nous en sortir vivants. Tu as réfléchi à tous les autres, ceux qui vont devoir affronter cette tragédie sans même pouvoir se défendre  ? Toi, moi, tous les autres Artistes, nous avons un catalyseur. C'est un atout en plus  ! Considère toi content de pouvoir l'utiliser  !

—  Je n'en veux pas...

Mara se rapproche un peu plus près de Nolan et lui glisse quelques mots à l'oreille.

—  Les Artistes sont des guerriers. Pour eux, la guerre est un Art... Toi, tu es né avec ça. Tu es un génie dans le domaine  : tu sens, tu sais. Profites-en.

Nolan grogne quelque chose.

—  La guerre  ? Un Art  ? Si tu le dis...

Mara fait la moue et se détache de son camarade. Elle se redresse complètement et regarde par-dessus son épaule. La lumière ne traverse presque plus les feuillages, la nuit avance à tâtons.

—  On devrait peut-être repartir maintenant... Je n'attends qu'une chose  : quitter cette cité...

Nolan bascule en avant et se lève en s'aidant de l'arbre. Sans même discuter, il se dirige vers la sortie du bosquet en traînant des pieds.

—  Oui, allons tirer Silvi de là...

Mara lui emboîte le pas. Le brasier s'est éteint et comme il s'agit d'une lumière artificielle, l'obscurité est vraiment palpable. Le disque de la lune n'est pas là pour les guider et même les petites flammes tremblotantes des étoiles sont absentes. Mara est à une longueur de bras devant le jeune homme, mais elle l'entend respirer plus qu'elle ne le voit. Un peu plus loin, les feux du village se reflètent dans les eaux du fleuve. Au-dessus, la cité se découpe sur le fond noir du bouclier.

Artistes et PhalangesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant