Partie 1 - Chapitre 7 (2/2)

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—  Les phénomènes magiques sont beaucoup plus anciens et primitifs que tu ne le penses. Les hommes les ont appelés ainsi car ils n'ont jamais bien compris leur fonctionnement... En fait, la magie, l'Art, est la base de la vie, ce sont les fondations de ce monde et de tout ce qui existe. Le système qui nous entoure n'est que la partie visible d'une gigantesque trame, où s'entremêlent les fils de l'espace et du temps... C'est en tout cas l'image la plus simple que l'on peut donner du véritable visage de l'univers... Tout élément, toute particule, mais aussi la lumière et la pensée, ne sont que des canevas savamment tissés à partir du temps et de l'espace... Et cette toile n'est pas figée. La vie a la particularité de provoquer des ondulations à sa surface, comme le ferait une pierre qui tombe dans l'eau. L'Art consiste en fait à utiliser ces perturbations et à les amplifier pour nouer à sa guise le monde qui nous entoure. Tous les êtres vivants peuvent le faire... Les humains génèrent certainement les vagues les plus importantes de la Toile, comme nous la nommons. Cependant, ils sont incapables de les discerner et sont d'ailleurs totalement aveugles à la trame générale de cette Toile. C'est pourquoi l'Art nous est resté étranger... Il existe pourtant des catalyseurs. Ces artefacts sont réglés sur une longueur d'onde particulière. Seule la personne qui la déclenche peut les utiliser... Les bijoux que nous portons font partie de ces objets.

—  Mais comment se fait-il que ce soit nous ? Je veux dire  : pourquoi nous, en particulier... Pourquoi avons-nous été choisis ?

—  Ces catalyseurs ont été créés par les Amikis, pour contrecarrer un éventuel retour de Deerro. Ils ont été réglés sur les trois individus qui font naître les perturbations les plus importantes. Pour avoir été choisis, nous devons avoir un potentiel magique énorme.

—  On est les seuls à pouvoir les utiliser ? demande alors Silvi.

—  Normalement oui... Chaque personne provoque une ondulation qui lui est propre, c'est comme une empreinte digitale... Ces perturbations sont également les reflets de notre personnalité. Les Amikis ont non seulement sélectionné des vibrations puissantes, mais aussi choisi les individus qui leur correspondaient le mieux.

—  Il y a quelque chose que je ne comprends pas, ajoute Nolan. La légende des Amikis est très vieille... Comment ont-ils pu faire un choix, sans nous connaître, alors que l'on n'existait même pas ? Par ailleurs, nous aurions pu naître à des époques complètement différentes.

—  Les Amikis pouvaient voir la trame, aussi bien que je te vois. Qui sait ce qu'ils ont vu ? Mais ce n'est pas ça le plus important pour l'instant. Vous devez apprendre à utiliser ces bijoux. Ça vous dit de faire quelques exercices  ?

Nolan et Silvi se regarde puis hoche la tête en direction de Lothar.

—  Très bien. Concentrez-vous  ! Ajoute le vieil homme.

Lothar s'accroupi contre le mur et mastique allègrement un bout de chique. Silvi et Nolan se s'assoient en tailleur autour du feu, le buste et la tête bien droits. À l'invitation de leur ami, ils ferment les yeux et essayent de respirer le plus lentement possible.

—  Ne cherchez pas à faire apparaître une sphère de lumière. Prenez compte de l'espace qui vous entoure. Essayez de distinguer les fils du temps. Cherchez à créer une image mentale de votre environnement.

Nolan tâtonne et essaye de tendre son esprit vers les objets de la pièce. Tout reste désespérément vide.

Soudain, de longs traits flous se dégagent. Mais le jeune homme a un peu de mal à les percevoir. Ils dégagent une faible lumière bleutée. Certains disparaissent, d'autres s'entrelacent et chatoient mollement sur un fond noir et impalpable. Malheureusement tout s'efface en quelques instants. Nolan se concentre à nouveau, au point d'en avoir mal au crâne. L'exercice est vraiment difficile. Il sent quelque chose vibrer à portée de main, mais Nolan n'arrive pas à retrouver les traits de lumière. Malgré ses efforts, rien ne se détache de son champ de vision. Il essaie tant bien que mal de fixer son attention sur une vague tache colorée et ses yeux commencent à lui faire mal. La forme lumineuse tremblotte péniblement., Doucement, des groupes de fils émergent et prennent une certaine consistance. Ils deviennent matériels alors que d'autres continuent à surgir du néant. Toujours faibles et fragiles, ils ondulent dans toutes les directions de l'espace. C'est un monde éthéré, sans fondations et sans maintien apparent. L'étrange canevas semble flotter dans un puits insondable. Nolan se laisse porter par la lente houle qui glisse le long des brins lumineux.

Artistes et PhalangesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant