Partie 3 - Chapitre 11

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Catacombes

Nef engloutie

Silvi déploie ses pensées vers le fond du lac que la trame éclaire au fur et à mesure de sa lente descente. Une cinquantaine de mètres d'eau tiède la sépare du sol. Finalement, lorsque l'on peut respirer sans difficulté sous la surface et avec la vision lumineuse de la trame, s'enfoncer dans l'abîme ne semble pas insurmontable.

Silvi sent les ondes langoureuses du bassin s'agiter brusquement autour d'elle ; Nolan l'a rejoint. Le jeune homme a plongé les yeux fermés tout en retenant sa respiration. Après quelques secondes d'hésitation, il nage vers son amie en projetant des rubans de pensées embarrassées et inquiètes. Ces derniers se transforment vite en lambeaux de panique désordonnés quand ses poumons lui réclament de l'air frais. Nolan bloque toujours sa respiration et s'affole, incapable de trouver la trame qui lui permettra de respirer. D'un coup de jambes vigoureux, Silvi se rapproche, attrape son bras pour le rassurer et le force à entrer en contact mental avec elle.

La détresse de Nolan surgit tel un étau qui lui serre instantanément la gorge, manquant de lui faire perdre sa concentration. Son cœur bondit monstrueusement dans sa poitrine. Dans la précipitation, elle laisse courir une image le long du lien lumineux : l'image de l'eau, de l'air, du canevas de son masque, ainsi que de la meilleure technique à adopter pour tresser une membrane d'oxygène.

Nolan comprend sur-le-champ. Il cesse de se débattre et tente de tisser les premiers nœuds qui l'aideront à respirer. Ses gestes ne sont pas sûrs, mais il arrive finalement à faire briller une fine gaze d'air frais sur son visage. Silvi reprend son souffle et sourit, elle sait que son ami est à l'aise dans ce genre d'exercice : en tant que Porteur du joyau de Parque, il possède un avantage certain lorsqu'ils sont au contact de l'eau.

Nolan se calme lentement. Il respire une fois, deux fois, ajuste son souffle pour ne pas déchirer la trame fragile et remercie Silvi en faisant courir des messages de sympathie sur les rubans qui les enlacent toujours. Le jeune homme se détache doucement de son amie en la gratifiant d'un sourire, et s'oriente en direction du fond du lac. Après une dernière inspiration, Silvi se coule dans son sillage.

Ce n'est que lorsqu'ils arrivent à mi-profondeur qu'elle revient en nageant vigoureusement à sa hauteur pour lui attraper le bras et l'obliger à s'arrêter. Nolan se retourne, mais n'a pas le temps de protester que le désarroi de Silvi l'assaille : elle pointe le doigt vers la surface en l'agressant de pensées paniquées.

— Regarde ce qu'elle fait ! Elle a perdu la tête !

Mara a plongé à l'aveuglette dans les eaux tièdes du lac. Elle garde les yeux grands ouverts, bien qu'elle ne discerne rien et ne peut pas s'orienter correctement. Elle continue pourtant à agiter ses bras et ses jambes, sûre d'elle, pour descendre le plus profondément possible. C'est de la folie. La jeune fille a retenu sa respiration sur la quinzaine de mètres déjà parcourus, sans ménager ses efforts et sans réfléchir une seule seconde à ce qu'elle pourrait bien faire dans cette obscurité liquide. Le lac, lui, s'en moque : il la laisse s'enfoncer toujours plus loin et referme derrière elle ses eaux noires et épaisses. Sa nage est aussi énergique que désordonnée.

Nolan constate que la jeune fille s'affole de plus en plus. Si Mara ne remonte pas tout de suite, elle ne pourra probablement plus le faire sans risquer l'asphyxie.

D'un battement de jambe rapide, il rejoint son amie. L'apprentie ne peut le voir venir ou le sentir, elle s'évertue à nager toujours plus profondément, tandis que ses poumons approchent leurs limites. Nolan lance quelques rubans bleutés en direction de son nœud de vie et confirme ses craintes : Mara s'est épuisée dans ses efforts.

Artistes et PhalangesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant