Liés

Chapitre trois

Octobre arrive vite. Normal, quand on passe son temps à bûcher ses cours. En quatre semaines, je n'ai créé aucun lien avec Jason. Il refuse de me parler et nous n'avons même pas échangé dix phrases. J'ai fait quelques efforts les premiers jours, je souriais quand je croisais son regard, je le saluais dans les couloirs ; mais j'ai fini par abandonner d'essayer de me lier avec lui. Nous passons nos cours de combats sans rien se dire, ni même se regarder. Je n'ai toujours pas compris pourquoi il refuse ne serait-ce que m'adresser un bonjour le matin, et très franchement, je n'ai même pas demandé quel était son problème avec moi. En cours théoriques, il reste avec ses amis et moi, je préfère être dans mon coin, généralement au fond de la salle.

Ambre a essayé de m'intégrer, mais je lui ai poliment fait comprendre qu'elle n'avait pas à se donner autant de mal. Elle a quand même tenu à me présenter à tous ses amis, dont je n'ai pas retenu les trois-quarts des noms. Nous n'avons qu'échangé un bonjour et c'était tout. Ambre ne rate pas une occasion de me parler quand on se croise dans les couloirs ou à l'internat, mais elle reste généralement avec les autres membres de son groupe, dont Jason, comprenant que je ne suis pas vraiment du style à m'entourer d'un troupeau de personnes dont je n'arrive même pas à retenir le nom.

Cette absence de vie sociale me permet de me consacrer totalement à mes études. Après les cours, je travaille sans relâche chacune des matières de la journée, ainsi que celles du lendemain. Je n'ai peut-être pas d'amis, mais j'ai progressé d'une manière phénoménale dans chacune des matières, j'atteins pratiquement l'excellence. C'est tout ce qui compte pour moi.

Un matin, Kyle m'attrape par le bras au moment où je passe au self. Il n'est même pas sept heures, je suis mal réveillée et je n'ai qu'une envie, retourner me coucher.

« Jason est malade, il ne peut pas sortir de son lit. A toi d'aller lui apporter son petit déjeuner. »

Je n'ai rien dit. C'est mon boulot. Quoi qu'il arrive et même si l'on ne s'apprécie pas, on est lié jusqu'au bout avec Jason. Cela n'aurait servi à rien de râler ou de supplier, de toute façon. Kyle m'aurait forcé à y aller. Il aurait bien été capable de me traîner par la peau du cul si je m'étais un tant soi peu rebellé.

Je me retrouve dans le couloir de sa chambre, devant sa porte, un plateau dans les mains. Je me sens stupide d'être ici, mais je frappe quand même trois petits coups sur le bois. Un grognement me répond dans la pièce. Je prends ça pour une invitation à entrer et ouvre la porte en prenant soin de ne pas renverser le plateau. Je plisse les yeux tellement il fait sombre. Jason n'a pas ouvert ses volets. Son lit est sur ma droite, au fond de la chambre, contre le mur. Il est allongé sous une montagne de couverture, malgré la chaleur qui règne dans la pièce.

« Hey Jason ! C'est Mika. »

Un regard que je devine noir malgré l'obscurité de la chambre sort de sous la couette pour me répondre.

« Je t'ai monté une soupe et des médicaments que m'a donné l'infirmière. Je vais poser le plateau sur ta table de nuit, d'accord ? »

Comme à chaque fois que je m'adresse à lui, j'ai l'impression de parler dans le vide. Il n'ouvre toujours pas la bouche, se contente de me regarder me déplacer dans la pièce. C'est terriblement dérangeant, ce regard toujours posé sur moi dans le silence de mort. Je préfère l'ignorer et jette plutôt un coup d'œil dans sa chambre, mes yeux s'étant habitués à l'obscurité. Un fouillis impossible règne ici, des vêtements sont éparpillés un peu partout, des feuilles volantes également. Deux livres sur une chaise, un autre sur le bureau. J'aperçois une guitare posée dans un coin.

« Qu'est-ce que tu fais ici ? »

Sa voix est plus grave que je ne le pensais. C'est compréhensible, vu le peu de fois où il a ouvert la bouche en ma présence.