Chapitre dix-huit

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Mes poings frappent le punching-ball suspendu devant moi. Le bruit mat résonne dans le gymnase vide de l'Académie, se mêlant au son de ma respiration hachée. Un coup à droite, un coup à gauche. Un coup de pied, et c'est reparti.

Ils seraient tellement fiers de toi.

Je frappe plus vite et plus fort. La rage me donne la force de me défouler depuis une bonne heure maintenant, mais je ne fais pas vraiment attention à la fatigue ou à la douleur. Je sens la transpiration couler le long de mon dos et dans mon cou, et malgré les bandages, mes phalanges sont rouges et mes bras tremblent depuis un certain temps. Je n'arrête pourtant pas.

Tu es ma petite sœur.

Il faut que j'évacue tout. Je ne supporte plus l'image de mon frère qui s'imprime derrière mes paupières closes dès que j'ai le malheur de fermer les yeux. Je ne supporte plus d'entendre encore et encore sa voix prononcer ses dernières paroles avant qu'il ne s'endorme à jamais. Alors je continue malgré mon épuisement.

Prends soin d'elle.

Dans un cri de colère difficilement contenu, je donne un dernier coup énorme dans le sac, qui le fait valdinguer avec violence, avant de laisser retomber mes bras. J'halète de longues secondes avant de me pencher en avant, les mains sur les genoux, pour reprendre convenablement mon souffle.

« Mika ? on m'interpelle derrière moi. »

Je sursaute avant de me tourner pour dévisager Jason. Je ne l'ai ni entendu entrer, ni s'approcher. Comme quoi, je suis totalement à l'ouest. Il n'a pas quitté son costume noir qui détonne sur sa peau pâle, le rendant encore plus beau que d'ordinaire. Il a juste retiré sa veste, qui pend négligemment sur son épaule, et desserré sa cravate sombre. J'ai une pensée pour ma robe noire qui gît au sol dans le vestiaire, avant de me souvenir que je m'en fous puisqu'il me sera impossible de la reporter un jour. Pas après l'avoir mise ce matin à l'enterrement de mon propre frère.

« Quoi ? je réponds plus sèchement que je ne le voudrais. »

Je me détourne de lui, honteuse de ma façon de me comporter sans pour autant avoir envie de le lui montrer, et je commence à défaire mes bandages avec hargne. Je sens rapidement sa présence tout près de moi, et quand il pose ses mains glacées sur mes épaules dénudées par la brassière que je porte, je me décrispe légèrement, laissant retomber mes bras le long du corps.

« C'était une belle cérémonie d'Adieu, dit-il doucement. »

Je ne réponds rien. Oui, c'était un bel enterrement. Mais ce n'est pas pour autant que ça me réconforte. Il n'y aurait même pas dû avoir d'enterrement. Jason m'appuie doucement sur l'épaule gauche, et je comprends qu'il me demande de me retourner vers lui. Je m'exécute, rencontrant presque immédiatement son regard vert soucieux.

« Tout le monde me cherche n'est-ce pas ? je marmonne.

- Et alors ? On s'en moque, répond-t-il en haussant les épaules.

- Je devrais y retourner. Je suis censée y retourner. J'ai disparu depuis deux bonnes heures, juste après la cérémonie.

- Qu'est-ce qu'on s'en balance de ce que tu es censée faire... Tu n'as pas à obéir aujourd'hui. »

Je relève les yeux vers lui avant de passer mes bras dans son dos pour me lover contre lui, enfouissant mon nez dans sa chemise blanche pour respirer son odeur boisée.

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