Chapitre vingt-cinq

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Je me souviens qu'un jour, je me suis dit que mon frère n'était qu'un abruti d'avoir accepté de prendre la suite de nos parents à la direction de l'Académie. Je me souviens m'être dit qu'il n'était un rapace avide de pouvoir et de reconnaissance.

Mais maintenant que mes fesses sont posées dans son ancien fauteuil, derrière ce bureau en chêne sur lequel mes mains se sont abattues tant de fois de colère, sur lequel j'ai rêvé de fracasser le visage angélique de mon frère, je ne sais plus vraiment quoi penser de mes anciennes certitudes.

Jamais, ne serait-ce qu'un instant dans ma vie, je n'aurais imaginé être assise là. Sauf que maintenant, je n'ai plus aucune raison de repousser l'inévitable ; j'ai entièrement récupéré de la fusillade, qui n'a laissé que des cicatrices sur mon corps, j'ai le suivi psychologique nécessaire à ma santé mentale en la personne de Forella, j'ai le niveau théorique et pratique que l'on est censé attendre de moi en fin d'études.

Tous les éléments nécessaires à faire de moi la nouvelle parfaite directrice de l'Académie.

Seulement, je suis toujours sûre et certaine de ne pas être faite pour ce job, que l'on m'a attribué à plein temps. Pour l'éternité, en fait. Ou tout du moins, jusqu'à ce que je meure.

On toque à l'immense porte à double battants, et j'invite la personne à entrer de la voie la moins sûre d'elle au monde. Katrina, l'ancienne assistante de mon frère, passe la tête et me sourit gentiment.

« Kyle demande à vous voir madame. Il insiste. »

Qu'est-ce que je suis censée dire ? Est-ce que j'ai le droit de refuser de le voir comme une enfant capricieuse et de rester cloîtrée dans ce bureau pour ne jamais prendre les engagements que je dois tenir ?

« Faites-le entrer, je réponds à la place. »

Elle se décale, et aussitôt, Kyle apparaît dans l'encadrement de la porte, qu'il ferme d'un claquement derrière lui avant de venir s'asseoir sans un mot face à moi, ses yeux sombres me contemplant d'un regard dur.

« T'as l'air complètement perdue, lâche-t-il d'une voix bourrue.

-       Oui, je sais. C'est peut-être parce que je le suis ? »

Il secoue la tête comme si j'étais une débile sans nom, et se bascule dans son siège en tendant ses longues jambes vers l'avant, mains jointes sous son menton.

« Déjà, arrête de faire cette tronche si tu veux être prise au sérieux. Ensuite, arrête de t'habiller comme une gamine. Enfile au moins une veste et une chemise, ça te rendra plus crédible qu'un sweat et des baskets. »

Je secoue la tête, m'imprégnant de ces précieux conseils qui je l'espère, m'aideront à me sentir plus à ma place ; même si j'en doute.

« Et pour le reste... souffle-t-il, on verra sur le tas.

-       D'accord. »

Mon air bravache que j'arbore constamment en la présence de Kyle a pris la poudre d'escampette, mais ce n'est pas comme si je m'en souciais réellement. Tout ce que je veux, c'est de l'aide. Même celle de Kyle.

« Et maintenant, je fais quoi ? je demande en me sentant vraiment stupide.

-       On va commencer simple. Je te guiderai aussi les autres jours, mais aujourd'hui, on va se concentrer sur deux choses, qui te concernent tout particulièrement.

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