Chapitre six

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Un cri me réveille en sursaut. Haletante, je cligne plusieurs fois des yeux, éberluée, incapable de comprendre ce qu'il se passe. On m'attrape par les épaules alors que je suis encore complètement perdue, et on me prend le couteau que j'ai dans la main. Le couteau ? Je secoue la tête pour essayer de m'éclaircir les pensées, et c'est alors que je prends conscience que j'ai froid. Je suis même glacée. Je baisse les yeux sur mon corps, couvert seulement par le long tee-shirt avec lequel je me suis endormie. Mes pieds nus sont trempés par l'herbe humide, et un vent sec me fait frissonner, faisant voler mes cheveux. Seuls les rayons de la lune éclairent le parc de l'Académie plongé dans la pénombre. Je ferme les paupières en captant enfin ce qu'il se passe. Bordel, ça a recommencé.

Quelqu'un me pose une couverture sur le dos, et quand je me retourne, Kali me sourit gentiment. Comme si sa tronche bienveillante allait me rassurer, du style « t'en fais pas, tu te réveilles toutes les nuits dans un endroit différent mais c'est pas grave. »

Dix jours ont passé depuis que j'ai vu Jason, et durant ce laps de temps, j'ai compris une chose.

Malheureusement pour moi, Forella avait absolument raison. Mes crises de somnambulisme sont de plus en plus nombreuses, et j'ai dû déménager à l'infirmerie pour éviter un accident. Maintenant, je flippe à l'idée de m'endormir parce que je ne sais jamais où je vais me réveiller ou dans quelle situation. Pour l'instant, je n'ai jamais rien fait de grave pendant mon sommeil, mais je me réveille toujours de plus en plus loin de mon lit. Ça a commencé près de ma porte, comme si j'étais restée bloquée derrière à ne pas savoir l'ouvrir ; la nuit d'après, j'ai carrément atterri dans le couloir, à l'opposé de ma chambre. La nuit suivante, je me suis retrouvée dans les escaliers, et c'est le fait de tomber qui m'a réveillé. Après ça, j'ai décrété que l'infirmerie n'était peut-être pas une si mauvaise idée. Mais même maintenant, Kali me retrouve dans les endroits les plus incongrus. Elle ferme pourtant ma porte à clés pour la nuit, mais c'est à croire que j'ai développé un talent pendant mon sommeil me permettant de crocheter les serrures en à peine quelques secondes.

Il m'est arrivé pas mal de trucs dans ma vie, mais ça, c'est clairement la chose la plus effrayante que j'ai jamais vécu. Dès que je pose la tête sur l'oreiller, le soir, j'imagine les pires scénarios, en flippant à l'idée de ce que je pourrais bien faire pendant mon sommeil.

Quoique puisse me prescrire Forella en médocs, ça ne marche pas. Kali m'a carrément sédaté hier soir, mais apparement même ça c'est insuffisant. J'ai réclamé une paire de menottes pour m'attacher au lit, mais je n'ai pas pu me résoudre à les utiliser la veille. Elles m'auraient peut-être retenu, finalement, même si un sentiment profond me laisse à penser que je me trompe. De la même façon que j'arrive à ouvrir les portes verrouillées et à voler des armes, je devine que je me serais débarrasser des menottes en peu de temps.

Je passe donc mes journées à m'angoisser pour la nuit suivante, et en essayant de résister à l'attraction du sommeil pendant les cours. Mentalement et physiquement, je suis épuisée, à cause de ces nuits pendant lesquelles je ne me repose pas. A croire qu'en plus de me réveiller n'importe où, dormir ne me suffit plus pour reprendre des forces puisque je passe les quelques heures où je ferme les yeux à crapahuter dans tous les sens. Ce qui, en soit, ne permet pas vraiment de se reposer.

« Comment tu te sens ? me demande Kali en m'attrapant par les épaules pour m'entraîner avec elle. »

Trois autres Chasseurs sont avec nous, de simples surveillants de l'Académie, et ils me contemplent tous d'un regard furieux. Apparement, eux se moquent de savoir si je suis consciente de mes gestes ou pas. Ils ne voient en moi qu'une petite pourriture ayant gâché leur nuit tranquille de garde. Désolée les gars, moi aussi j'aurais préféré me réveiller dans mon lit.

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