Chapitre un

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dix ans plus tard

Dans la nuit noire qui m'entoure, je ne suis qu'une ombre parmi tant d'autres. Autour de moi, les feuilles bruissent sous le vent frais qui souffle doucement, mais je n'ai pas froid. J'abaisse le ras de cou noir qui me cachait le bas du visage jusqu'à mon nez, et me déplace en position accroupie de quelques centimètres en avant sur ma branche, attentive à être inaudible pour qui que ce soit. Au moindre faux pas, au moindre bruit trop suspect, ma position sera dévoilée, et c'est tout le contraire de ce que je veux. Je suis donc la plus calme possible, comme d'ordinaire, en parfait contrôle de chacun de mes muscles et de chacun de mes souffles. En parfait contrôle de la moindre fibre de mon être.

Soudain, je les entends. Je relève la tête, pour me concentrer au maximum. Au bruit qu'ils font dans le noir, et aux odeurs que je perçois dans les courants d'air, j'en dénombre trois. Je ne les vois pas encore, mais ça ne devrait pas tarder. Et effectivement, ils m'apparaissent quelques secondes plus tard. Ils n'ont pas opté pour la discrétion, mais connaissant l'arrogance des vampires, ça ne m'étonne pas. Il suffit que la nuit tombe pour qu'ils se croient les maîtres du monde, immortels et intouchables. Pourtant, ils passent à côté de l'arbre dans lequel je suis tapie sans se douter une seule seconde que je les observe. Ils sont censés être les plus grands prédateurs sur Terre et moi une simple mortelle, mais je ne suis pas impressionnée : ce soir, les rôles sont inversées. Ce soir, ce sont eux les proies.

Sans le moindre bruit, je me relève lentement sans les quitter des yeux, et agrippe la branche au-dessus de moi. À la seule force de mes bras et en les observant continuer d'avancer lentement, je me déplace discrètement autour de l'arbre, passant de branche en branche, suspendue par les mains au-dessus du vide sans faire bruisser la moindre feuille. Ils s'arrêtent soudain, alertés par le bruit d'un animal dans les fourrés, tapi à quelques dizaines de mètres de là. La femelle du trio relève la tête et renifle dans l'air pour s'assurer qu'ils ne sont pas chassés, avant de faire signe aux deux mâles qui l'accompagnent qu'elle a senti une odeur étrangère. Sûrement la mienne.

Je ne leur laisse même pas le temps de penser à déguerpir, et je profite de leurs quelques secondes d'inattention pour lâcher prise. Je me laisse tomber au sol où je me réceptionne sans un bruit, accroupie juste derrière eux, et avant qu'ils n'aient pu faire le moindre mouvement, je me jette en avant sur le mâle qui est le plus près de moi. J'attrape sa tête que je projette sans effort contre mon genou dans un craquement sinistre, et le vampire roule en gémissant sur le sol. Je me suis à peine retournée vers les deux autres que j'ai déjà dégainé mon pistolet, auparavant coincé dans mon dos, et alors qu'ils allaient se jeter sur moi, je leur tire chacun trois fois dans le torse les balles en bois que j'avais spécialement glissées dans mon arme en vue de cette soirée. Les deux vampires se laissent tomber à genoux en gémissant, avant de s'effondrer au sol sans bouger. Cela ne suffira pas à les tuer, mais cela les blessera suffisamment pour les empêcher de me sauter dessus.

En à peine une minute, j'ai donc réussi à me débarrasser de trois des plus dangereux monstres au monde.

« Qui es-tu ? s'élève une voix masculine, hachée par une intonation de rage. »

Je me retourne vers le premier vampire mâle que j'ai neutralisé. C'est un homme, jeune afro-américain d'apparence ; il vient de se remettre en place le nez que je lui ai brisé, et tout en essuyant d'un revers de la main le sang qui coule de ses narines, se relève lentement en me fixant férocement. Il meurt d'envie de m'attaquer, je le sais, mais il doit hésiter suite à la défaite cuisante qu'il vient d'essuyer.

« C'est toi, Toby ? je demande à mon tour sans répondre à sa question.

- Non, c'est lui. »

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