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Chapitre dix-sept

Je somnole dans la voiture. J'ai du mal à garder les yeux ouverts, et c'est totalement compréhensible ; je ne me souviens même plus de la dernière fois où j'ai dormi plus de quatre heures d'affilées de façon naturelle, sans sédatif ou sans tomber dans les vapes. Je suis à bout de nerfs et exténuée, mais dès que je ferme les paupières, les cauchemars envahissent mon esprit. Mes parents se font percuter par le train et Jason meurt sous mes yeux, dévoré par un vampire. Je ne sais même pas comment je fais pour encore tenir debout.

La nuit tombe sur la campagne anglaise. Il est à peine vingt heures, mais le soleil se couche déjà. Nous sommes partis depuis plus de quarante minutes de l'Académie, dans trois grosses Jeeps noires, qui filent à toute allure sur les minuscules routes de campagne vides. Kyle est au volant de la voiture de tête, celle dans laquelle je suis installée. A côté de lui, Dimitri est en contact permanent avec d'autres Chasseurs qui nous attendent à notre destination. Je suis contre la fenêtre droite, à l'arrière, et Zoé, la soeur d'Ambre, ainsi qu'un autre Chasseur du nom de Zac se serrent sur la banquette arrière avec moi.

Les phares des voitures derrière nous m'éblouissent de temps en temps, et me permettent de ne pas sombrer dans le sommeil à mesure que nous roulons. Nous nous dirigeons en direction de l'aéroport de Newcastle, où un jet nous attend pour nous conduire jusqu'à Douvres, sur la côte.

Je n'ai pas dormi la nuit dernière. J'ai essayé, mais trop excitée et nerveuse à cause des prochains évènements, je n'ai fait que me tourner et me retourner dans mon lit, encore. Je me suis donc levée et j'en ai profité pour mettre au point mon plan, qui me parait toujours aussi minable et suicidaire, pour retrouver et ramener Jason.

Zelko est venu frapper à ma porte à sept heures, alors que je luttais pour garder les yeux ouverts, assise à mon bureau. Il m'a tendu une grande enveloppe en papier kraft sans un mot, et je n'ai pas pu m'empêcher de le serrer contre moi pour le remercier.

« Fais attention à toi, m'a-t-il dit en me rendant mon étreinte, avant de filer en cours puisqu'ils avaient repris le jour-même. »

Je n'ai pas vu Ambre, ayant passé le reste de la journée dans le bureau de Peeta, à écouter les Chasseurs expérimentés parler stratégie et techniques de Traque. On aurait dit que j'essayais juste de m'intégrer, alors qu'en réalité, ils ont été une mine d'or d'informations. Avec tout ça, je ne devrais avoir aucune difficulté à échapper à leur surveillance, à bousiller leur voyage et à partir chercher Jason en solo.

En fin d'après-midi, j'ai récupéré mon enveloppe pleine d'argent que j'ai pris la peine de trier dans la nuit, puis j'ai rejoint la chambre de Meredith. Max n'était pas là, et sa sœur m'a fournit tout ce que je leur avais demandé. Ils m'ont trouvé toutes sortes de coutelas aux lames rétractables et de couteaux aiguisés aussi fins et petits que je l'espérais, et ils m'ont même rapporté deux pistolets de poche, assez petits pour être camouflés tous deux sur moi sans problème. J'ai également tout un arsenal contre les différents monstres que je risque de croiser : balles en argent pour les loups-garous, en bois pour les vampires, couvertes d'eau bénite pour les démons, et encore un tas d'autres différentes, spécifiques à chaque créature du Mal.

Ils m'ont aussi déniché cinq fioles entières de tranquillisants et une dizaine de seringues pour aller avec, ainsi qu'une boîte pleine de somnifères ; et enfin, deux bombes de coloration capillaire des couleurs que j'avais réclamé.

« C'est parfait, j'ai soufflé. »

Meredith m'a regardé d'un air satisfait et supérieur, mais n'a rien dit. Je l'ai payé, puis j'ai fourré le tout dans le sac que j'avais pris soin d'emmener avant de retourner dans ma chambre. J'ai préparé mes affaires, j'ai également pris des vêtements pour Jason, et je me suis changé.

Lorsqu'ils partent en mission, les Chasseurs enfilent une tenue typique pour la Traque, intégralement faite de cuir noir, car c'est ce qui est le plus pratique pour nous. Plus de liberté de mouvements, plus de discrétion par la couleur sombre. Ainsi, je me suis habillée d'un pantalon qui serre mes jambes, d'un pull noir tout simple, d'une veste aux innombrables poches intérieures et de ma paire de rangers. Je me suis attaché les cheveux en queue haute, puis j'ai camouflé mes armes un peu partout sur moi ; dans mon pantalon, dans ma veste ou dans mes chaussettes. Sur le devant de ma veste, le blason de ma famille, une spirale traversé d'une flèche, est brodé au fil doré, indiquant que nous partons en mission pour mon frère.

Il nous faut vingt minutes de plus pour atteindre Newcastle, et quand nous arrivons enfin à l'aéroport après avoir traversé la ville bouchonnée par les heures de pointe, il fait nuit noire. Le jet nous attend sur le tarmac, comme promis. J'aide Zoé, Zac et Hans, un autre Chasseur, à décharger la troisième Jeep, celle qui roulait tout derrière, contenant toutes nos armes, puis je pars m'installer dans l'avion quand Kyle me l'ordonne, alors que lui reste sur la piste pour discuter avec le pilote. Finalement, il monte dans l'appareil à son tour, en dernier, et les portes se ferment. Nous sommes onze Chasseurs à partir en Traque en tout, installés dans le jet privé de Peeta. Kyle est assis au premier rang à côté de Dimitri pour qu'ils continuent de parler de leurs stratégies. Je suis installée au rang suivant, entre Zoé et une autre Chasseuse, Felicity. Hans, Zac, Josh et Finn sont juste derrière nous, et enfin, Mary, Tiago et Boone sont assis au fond de l'appareil. Je suis la plus jeune, la seule encore non diplômée et non tracée, et je me sens totalement décalée par rapport à eux. Ce n'est pas leur première Traque, ils sont confiants et détendus, alors que je ne suis qu'une boule de nerfs qui ne tient pas en place sur son siège.

Zoé me sourit gentiment, alors que je change encore une fois mes jambes de position. Le jet n'est toujours pas parti, et pourtant j'ai l'impression d'être là depuis trois heures.

« Détends-toi, Mika, me dit-elle avec son sourire éclatant. Tout va bien se passer, une Traque ce n'est pas si terrible, et puis, ce n'est pas comme si tu étais toute seule. »

Elle prend mon angoisse pour ce qu'elle n'est pas, mais je ne préfère pas la contredire. Je me vois mal lui expliquer ce que j'ai prévu de faire pour échapper à leur vigilance. Et plus je pense à cette partie de mon plan, plus mon ventre se tord. S'ils me rattrapent, je suis fichue. Réellement fichue. J'espère que les tranquillisants que m'ont fournis Meredith et Max sont puissants. Sinon, je suis vraiment dans la merde. Je souffle un coup pour me détendre, et je me renfonce dans mon siège. A ma gauche, Felicity est tournée vers le hublot, et je ne vois que l'arrière de son crâne. Elle me parait aussi désagréable que Zoé gentille, aussi je ne suis pas mécontente qu'elle me tourne le dos. Ça m'évitera de lui faire un semblant de conversation que je n'ai pas envie de tenir.

Après ce qu'il me semble être des heures, une des deux hôtesses de l'air mises à notre disposition vient nous annoncer que le décollage est imminent. Et effectivement, moins de cinq minutes plus tard, un voyant s'allume dans notre cabine pour nous indiquer de mettre nos ceintures, et je sens enfin la carlingue de l'avion se mettre lentement à rouler sur la piste. Il finit par aller de plus en plus vite, et décolle sans presque aucune secousse.

Les quarante minutes de vol se passent sans aucune anicroche. La plupart des Chasseurs profitent du trajet pour se reposer, mais c'est impossible pour moi de dormir, alors je somnole seulement, ouvrant les yeux en sursaut dès que je sens ma tête dodeliner contre mon dossier.

Quand nous atterrissons à Douvres, les lumières de la ville s'étendent sous mes yeux. Je ne fais aucune différence entre la terre et l'océan dans l'obscurité de la nuit, et on ne peut distinguer le port que par sa plus grande concentration de tâche de lumières. Mon cœur se met à battre plus vite, et mes mains posées sur mes cuisses deviennent moites. Jason est-il ici, à Douvres, tout près ? Ou va-t-il falloir que je prenne un de ces ferrys pour traverser la Manche jusqu'à Calais, en France ?

L'air est frais quand nous sortons de l'avion, et me fait du bien. Il me calme, et j'en profite pour souffler doucement. Pour le moment, Kyle, Dimitri et deux autres Chasseurs vont partir en éclaireurs sur la piste des dernières traces de Jason, et nous autres allons investir l'hôtel que l'on a réservé plus tôt dans la journée.

La véritable Traque commencera demain, dès les premiers rayons de soleil.