Chapitre vingt-deux

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Jason hurle mon prénom, mais je n'y fais pas attention. L'impression d'avoir une barre de fer chauffée à blanc plongée dans le biceps prend le dessus sur tout le reste et me plie en deux de douleur. J'ai tellement mal qu'un cri aiguë s'échappe de ma gorge et je m'effondre à quatre pattes au-bas des marches. La réalité s'altère autour de moi, ma vision se brouille et devient noire, je ne discerne plus rien. Il ne me reste plus que la douleur, persistante, qui m'élance dans tout le corps.

Quelques secondes me suffisent pour me reprendre et retrouver une vision à peu près normale, et je relève la tête, appuyée sur les genoux et les mains, constatant de mes yeux la panique qui s'est installée dans la chapelle. On m'attrape par les aisselles pour me tirer à l'abri, et soudain, je me retrouve assise près du révérend, protégée par l'autel.

Je tente d'ignorer le flot de sang qui coule le long de mon bras, et la douleur qui l'accompagne, pour me concentrer sur ce que j'ai pu voir, faisant le calme dans mes pensées virevoltantes. La plupart des invités ont couru à l'extérieur, entraînant avec eux les plus jeunes, apeurés de se retrouver si vite confrontés à la réalité de notre boulot, et les Anciens, bien trop précieux pour être laissés sur un champ de tir. Les autres se sont tapis comme ils le pouvaient derrière les bancs. Je n'ai pas eu le temps de voir ni Jason, ni Ambre ou Zelko, et ce constat me tord le ventre. Je me prends à prier qu'ils aillent bien, avant de réaliser qu'il y a peu de chances qu'ils soient blessés. Je n'ai entendu que deux coups de feu, et ils étaient dirigés vers moi, sans aucun doute.

Le silence est revenu dans la chapelle, et tout comme le révérend et moi, je sais que personne n'ose bouger, s'attendant à se faire tirer dessus sans aucun échappatoire. Soudain, Kyle apparaît devant moi, accroupi et une arme au poing. Il évalue rapidement l'état de ma blessure avant de me fixer de ses yeux sombres.

« Tu vas bien ? chuchote-t-il en reportant son attention vers le haut de la chapelle, où se trouve un balcon que je sais vide - enfin, normalement. A part ton bras, tu n'as rien d'autre ? »

Je lui réponds que ça va et lui assure que je peux marcher. Il secoue la tête, passant une main distraite dans ses longs cheveux détachés, avant de la passer sous sa veste et d'en sortir un poignard qu'il me fourre dans les mains.

« C'est toi la cible, il faut qu'on te mette à l'abri. Les tireurs sont obligatoirement cachés à l'étage de la chapelle, donc ils ne pourront pas sortir tant que nous serons ici. »

Il se retourne, m'ordonnant à voix basse de rester cachée ici encore quelques minutes alors qu'il rejoint l'allée principale. Bizarrement, tout reste silencieux et les tireurs ne se montrent pas, le laissant basculer sans encombre plusieurs bancs de sorte à constituer une sorte de passage plus ou moins protégé jusqu'à la sortie, aidé par d'autres Chasseurs bloqués dans la chapelle avec nous.

Le révérend déchire un bout de sa tunique et fait un bandage autour de ma blessure sans rien dire. Je grimace quand il resserre le nœud autour de mon biceps, et soudain, il attrape ma main droite et glisse sur mon annulaire une chevalière en argent, frappée du blason de l'Académie.

« Vous voilà véritablement directrice désormais, chuchote-t-il en refermant ma main. »

Je n'ai pas le temps de répondre quoi que ce soit que Kyle me fait signe de le rejoindre. A quatre pattes, les doigts refermés sur mon arme de fortune, je m'avance jusqu'à la limite de la protection que m'apporte l'autel, gênée par la jupe de ma robe qui m'encombre par son tissu qui se déploie librement autour de moi et qui m'empêche de me positionner comme je le veux.

Je jette un coup d'œil avant de recommencer à avancer, mais à peine ai-je fais quelques centimètres qu'une rafale de tirs me fait reculer, envoyant des débris du sol marbré un peu partout. Soudain, une silhouette agrippe les colonnes du balcon, au-dessus de moi, et ricane sournoisement, déclenchant des frissons le long de mon échine.

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