Un amour improbable

Chapitre 35

Sa voix m'avait tellement manqué ! L'entendre m'a retourné le coeur. Une vague de chaleur m'a envahit, faisant contraste avec la fraîcheur de la nuit. Je me suis retournée et j'ai vu son visage. Il avait pleuré récemment, c'était évident. Mais il avait fait de son mieux pour paraître normal. Un peu comme moi. Je dois être dans un état au moins équivalent sinon pire que le sien. Un faible sourire s'affiche sur mon visage. Un sourire à moitié sincère. Je me lève faiblement et me place face à lui, en gardant toujours un peu de distance. Son regard se plante dans le mien. Ses yeux, bien que gonflés et fatigués, sont toujours aussi beaux. Sa peau est étonnamment blanche, à moins que ce ne soit le reflet de la lune. Ses lèvres que j'ai tellement aimé embrasser son gercées, ouvertes par endroit, tremblantes aussi. Tout son corps tremble. Je ne suis pas sûre que ce soit à cause du froid. Il me regarde intensément, me déchiffre, un peu comme je suis en train de le faire. Je n'ai qu'une envie, lui sauter dans les bras et fondre en larmes.

***

Le bout de son nez est tout rouge, contrastant avec le reste de son visage presque aussi pâle que le mien. Son bonnet tente vainement de cacher ses cheveux emmêlés. Un léger trait noir se dessine sous ses yeux. Je n'ai pas l'impression que ce soit volontaire. Son maquillage a dû couler. Malgré l'état dans lequel je devine qu'elle est, elle a fait l'effort de bien s'habiller comme elle en a l'habitude. Je crois même que c'est la tenue dans laquelle je l'ai vue la première fois. Je me remémore son visage ce jour là, elle était toute gênée et timide, elle était magnifique. Je souris discrètement en la revoyant me regarder sans y croire. Qui aurait cru qu'on en serait là un jour... Je sors de mes pensées en me concentrant de nouveau sur son visage que j'ai appris par cœur dans mes rêves. Ses yeux soutiennent mon regard. Elle a l'air tellement épuisée... Ces derniers jours ont surement étés aussi pénibles pour elle que pour moi. J'ai envie de l'enlacer et de ne plus la lâcher. De réchauffer son corps qui frissonne devant moi. Je fais un pas en avant.

***

Il s'avance vers moi lentement. Sans contrôler mes mouvements, j'avance aussi vers lui, comme attirée par un aimant. Nous ne nous quittons pas des yeux tandis que nous avançons lentement. Ce rapprochement me paraît tellement long, mon corps n'attend que de sentir son contact. Nous nous arrêtons à quelques centimètre l'un de l'autre. J'ai les yeux levés vers lui et je sens son souffle chaud sur mon visage. Je distingue maintenant ses cernes creusées par son manque de sommeil. Je m'en veux d'avoir causé ça. Si seulement je pouvais revenir en arrière...

***

Nous sommes si proches, je n'attendais que ça. Il faut que je touche son corps, pour être sûr qu'elle est vraiment là et que ce n'est pas mon esprit qui me joue des tours. Je soutiens son regard et essaye de lire en elle pour savoir si elle va m'embrasser ou me frapper. Mais elle est indéchiffrable. Si mystérieuse. Dans chaque instant de sa vie. Je ne résiste pas. Je lève mon bras vers elle, tremblant, effrayé presque, et dépose doucement ma main sur sa joue froide.

***

Ce contact m'avait tellement manqué. Sa peau est glacée contre mon visage. Je sens mes yeux s'humidifier. Je ne vais pas retenir mes larmes longtemps. Puis je craque. Le mur invisible qui retenait mes larmes se brise en mille morceaux et je m'effondre sur lui. Passant mes mains autour de lui et enfouissant ma tête dans son cou, je me laisse aller et pleure tout ce que je tentait vainement de contenir. Ses bras entourent enfin mon corps qui se réchauffe soudain. J'aimerai vivre ce moment toute ma vie. C'est tellement agréable d'enfin retrouver cette chaleur, cette odeur. Mon coeur accélère et je sens le sien tambouriner dans sa poitrine. Je crois même l'entendre sangloter dans mes cheveux. Il me sert un peu plus fort et je fais de même. Il m'a tellement manqué.
- Ellie..."
Mon prénom est comme une symphonie dans sa bouche. Il s'écarte un peu de moi et me regarde dans les yeux.
- Excuse moi Lucas. Je suis désolée. Je..."
Il me coupe en écrasant ses lèvres contre les miennes. Elle sont rêches, cassées, et pourtant c'est l'un des moments les plus agréables que j'ai vécus de toute ma vie. Je prolonge notre baiser en profitant un maximum de ce rapprochement. Je ne me lasserai jamais de lui. Je l'aime tellement. Nos lèvres se séparent au bout de quelques longues secondes et mes larmes coulent de plus belle. Les siennes coulent lentement sur ses joues. Je ne l'ai jamais vu pleurer. Ses yeux sont clos. Il n'a jamais été aussi beau. Soudain, ses paupières s'ouvrent et nos regards plongent de nouveau l'un dans l'autre.
- Ne me quittes plus jamais, me dit-il d'une voix faible et cassée.
- C'est promis."

Fin.