Chapitre 4

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Je contemple l'état de mes mains. Elles sont sacrément amochées. Je compte même plus le nombre de fois où je les ai mises dans cet état. Je me souviens du premier coup-de-poing que j'ai donné, j'ai eu des doigts cassés et le scaphoïde. C'était contre mon frère. Il l'avait bien cherché, je lui ai pété le nez le jour-là. Le jour de mes douze ans. Ça paraît si loin. La serveuse dépose deux tasses de café bien fumantes. Elle me sourit, elle est mignonne. Je sais parfaitement ce qu'elle voit. Un mec aux allures de mauvais garçon. Je n'ai pas que l'allure, ma petite. Linus l'interpelle. Il sait s'y prendre, l'enfoiré. Dès qu'il ouvre la bouche, elles tombent toutes comme des mouches. Je ne suis pas étonné de voir avec quelle facilité, il obtient son numéro. Je souris au-dessus de ma tasse, et regarde la rue à travers la vitre du café. J'ai grandi ici, et pourtant, j'ai l'impression de voir cette ville sous un œil nouveau.

Je suis tiré de mes réflexions par mon portable. Un énième message de Rita qui me demande de venir la chercher. Sous prétexte que je la saute, elle espère avoir un traitement de faveur. Je ne suis pas ce genre de mec. Mais rien que pour emmerder son père, je vais me pointer devant son lycée à la con. Sachant que Linus est avec moi, elle va vite me sauter au cou. Parce que devant ses potes paumés et en manque d'adrénaline, nous sommes le grand méchant loup. C'est efficace pour accéder à des petites culottes en perdition.

Il me semble qu'elle organise une fête chez elle à la fin de la semaine. Je sais plus. En même temps, je m'en branle, je n'irai pas. Ça va être à chier.

- Tu pourrais répondre à Rita, bordel. Elle pourri mon portable de messages. T'as le don pour trouver des cinglées, toi !

Linus m'engueule comme d'habitude, il a beau être mon cousin, je lui collerai bien des tartes de temps en temps.

- Je viens de le faire, t'excite pas. Dis-je, en souriant. Elle est chaude et sacrément cochonne. Je ne vais pas la voir pour lui compter fleurette. Ce n'est pas le genre de la maison.

Il éclate de rire, je sens qu'il va me gonfler.

- Tu ne vas pas me faire croire que tu n'as pas d'affection pour elle ? Tu ne fais pas ça juste pour emmerder son père. Ça fait cinq ans maintenant remets toi ! Ses mains tatouées se joignent sur la table gris et blanc. Ses yeux verts veulent me sonder, comme d'habitude. Je déteste quand il fait ça.

- Tu l'aimes bien en fait.

- Arrête tes conneries. Tu délires. Je me laisse aller sur le siège en soupirant. Elle est un bon exutoire, sa belle-mère aussi d'ailleurs. Je peux me faire qui je veux.

- Une lueur de défi passe dans ses yeux.

- Qui tu veux, hein ? Je suis impatient de voir ça ! Dit-il en se frottant les mains, découvrant ses dents blanches en un sourire de satisfaction pure. Prochaine sortie, tu te tapes une nana au hasard.

-T'as intérêt à aligner les billets, couillon.

Je sais pourquoi il me met au défi. Je suis le plus discret de notre bande. Et pourtant, je suis celui qui me tape le plus de filles. Ce qui le frustre, c'est qu'il ne m'a jamais vu faire, et je ne me vante pas. Je connais les gens des trois-quarts de cette ville. Je ne suis pas sûr que les pères ou les frères de mes conquêtes seraient ravis de l'apprendre. Et l'amour dans tout ça ? On ne s'inflige pas ce genre de souffrance quand on a un minimum d'estime pour soi. Je n'y adhère pas. Peut-être que ce n'est pas fait pour moi. Je n'y trouve pas mon compte. J'aime mon monde tel qu'il est. Je n'ai pas l'intention d'en changer.

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Yuna

Je peux le dire, j'ai survécu à ma première journée de cours. Mon hématome me fait un mal de chien. Dans les couloirs, on ne regarde pas forcément où l'on va, et on fini forcément par heurter quelque chose ou quelqu'un. En l'occurrence, c'était quelqu'un. Et définitivement à classer dans la case « personne à éviter ». Non seulement, il ne s'est pas excusé de m'avoir rentré dedans, mais en plus, il a bien ri en me voyant parterre.

À l'orée de ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant