À l'orée de Toi

Chapitre 25

Elijah

- Tiens le bien, j'ai pas de prises.

Saloperie de frigo. Celui de ma mère a lâché et Victor est un boulet. C'est pourtant pas compliqué de sortir un frigo d'une camionnette bordel.

- Il fait ton poids, tu crois que c'est facile ?

Je grogne parce que je suis coincé entre la portière et le trottoir. Un vrai équilibriste.

- Oh ça va, je vais chercher un diable. Ne bouge pas.

- Ça risque pas.

Il tombe des cordes et le vent hivernale me glace les os. Et j'ai pas de gants. Formidable. Putain ce que je ne ferai pas pour ma mère sérieux. La camionnette est garée devant la porte du magasin. Il devrait aller vite. On est censé ramener celui qui a lâché contre le neuf.

Je réussis à remettre le frigo dans la camionnette, et je m'assois à côté parce que j'ai mérité de fumer une clope. Je suis en nage à cause de l'effort, je vais attraper la mort avec le froid. On n'y voit pas grand chose avec ce qu'il tombe. Super.

La ville est vivante, il est midi passé. Je commence à avoir la dalle. Faut vraiment qu'il se bouge le cul, Victor. Malgré les trombes d'eau, ça grouille de jambes pressées, des rires et de gosses qui ne réalisent pas encore à quel point la vie est une chienne. Ils apprendront, comme tous les autres avant eux.

Daniel doit nous rejoindre ici, il faut partie de ces gosses qui rêvent même éveillé. Heureusement qu'il ne lévite pas, je me poserai des questions sur sa nature. Félix était un peu comme ça aussi. Dan a l'innocence pour lui, qu'il la garde le plus longtemps possible. Ça lui évitera d'avoir une enclume à la place du cœur.

Mais qu'est-ce qu'ils foutent, putain ! Ça fait vingt minutes que Victor est rentré là-dedans. Il s'est perdu au rayon godemiché ou quoi ? Parmi toutes mes qualités, la patience n'en fait pas partie. J'ai dit que j'étais un dieu, pas la perfection non plus.

Un coup de frein et un boom me font sursauter. C'est quoi ça ? Le bus de ville vient de piler net. Et des crissements de pneus l'accompagne avec des klaxons. Il pourrait y avoir des morts, les gens seraient encore en train de gueuler. Je suis sûr que c'est encore un vieux qui n'a pas vu le feu rouge. Ça aussi, c'est un concept. Toujours, là, quand il ne faut pas ceux-là.

Le chauffeur manque de tomber tellement il va vite pour descendre de son bus. Vu le temps, ça glisse. Et j'attends toujours mon abruti de frangin qui me fait tourner en rond. Enfoiré.

- DANIEL !

Mon sang se glace en une fraction de seconde. Je crois n'avoir jamais couru aussi vite. Mon cœur bat beaucoup trop vite, et ça n'a rien à voir avec la course que je suis en train de faire. J'ai un mauvais pressentiment. J'ai dû mal entendre. Mon ventre est en train de jouer aux acrobates, il part dans tous les sens. Je pousse la foule qui s'amasse autour de l'accident.

- Dégagez de là, bordel !

Je hurle et je pousse sans sommation. Mon instinct ne me trompe jamais, et là, il est à fond. J'ai la trouille de voir, mais c'est plus fort que moi. Comme si mon corps prenait le relais en mode automatique. Putain. Les baskets rouges. Daniel a les mêmes. Il est étendu sur le trottoir, trempé et inconscient.

- Dany ! Hey bonhomme ! C'est Eli.

Il ne bouge pas. Tout pulse à l'intérieur de moi. Il faut qu'il se réveille.