Chapitre 34

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Elijah

Nos regards se croisent, une claque ne m'aurait pas autant fais d'effet. Le bleu glacier de ses iris est beaucoup plus prononcé. Elle me remercie silencieusement, collée au bras de son père. Ouais, elle ne va pas le lâcher. Elle le regarde comme si c'était son putain de monde. Je serai curieux de savoir qui d'autre elle regarde comme ça. Pas moi. C'est sûr. Sauf quand elle hurle mon nom. Là, c'est moi. Aucun doute là-dessus. 

- Tu comptes rester planter là toute la soirée ? Va dire bonjour avant de partir. 

Ma mère me connaît bien. Oui, j'allais partir. Elle le sait et j'allais le faire comme un connard en plus. Je soupire quand elle attrape mon bras. Si je pars maintenant, elle va me le faire regretter. Et je vais la blesser. Je vais prendre sur moi et je partirai. Enfin, ça, c'était avant que Yuna m'enlace. Et merde. Je ne l'ai pas vu venir. Sa voix, enrouée par les larmes, est un murmure. 

- Je te déteste. 

- Menteuse. 

De mon bras valide, je lui rends son étreinte. Et je réalise que je devrais déjà être parti quand j'embrasse le sommet de son crâne. Elle sent bon, ça m'emmerde profondément. Elle me lâche avant d'embrasser la joue de ma mère. C'était trop court putain. Non, il faut qu'elle s'éloigne de moi. Ou moi d'elle, je sais plus. Fais chier. 

Rita me sourit à travers la foule, je hoche la tête avant de retrouver mon père. Il a le meilleur poste de surveillance et il est le gardien des bouteilles. Ma mère ne me lâche pas, elle s'assure que je ne vais pas me barrer comme un voleur.

- Qu'il est beau ce gosse. Mon portrait craché ! Gueule t-il pour que tout le monde l'entende. Tiens.
- Merci. Et c'est moi le plus beau.

Une bière fraîche se pose devant moi. Je n'avais pas remarqué à quel point je crevais de soif avant qu'elle n'arrive.

- J'ai toujours pensé que c'était Daniel. Réponds ma mère. Il a tout de sa mère.

On rigole tous les trois, ce qu'ils peuvent être cons quand ils s'y mettent. D'ailleurs, il est là, avec son plâtre, dans son coin attendant que le supplice s'arrête. Il n'est pas à l'aise avec la foule. C'est marrant, j'étais pareil que lui avant. Adèle passe une bonne soirée, je l'ai aidé à dégager mon oncle. J'ai cru que ce jour n'arriverait jamais. Linus aussi. Il n'a pas dit un mot à son père. Le connaissant, il devait certainement se retenir de ne pas lui casser la gueule.

Il louche sur la sœur de Yuna, qui rigole à ses vannes de merde. Elle est jolie, vraiment. Le genre de fille sur lequel tous les mecs se retournent dans la rue. Elle me laisse froid. Rien ne m'attire chez elle. Et je l'ai sauté. Ouais. Parce que c'était facile. Et que je rêvais déjà de démonter sa petite sœur.

Elle danse, au milieu de la piste, avec sa copine May. Je suis dans le monde parfait de Yuna. Un monde sans violence, sans ombres. Lumineux, baigné d'amour, son monde à elle n'est pas le mien. Je la déteste autant que je veux me la faire. Jamais personne ne me tient tête comme elle. Ça me les brisent autant que ça m'amuse.

Anton s'est rapproché du bar, il a à peine eu le temps de dire "ouf" depuis qu'on a franchi la porte. Ça fait une demie-heure. D'ailleurs, je vais mettre les voiles. Ce monde parfait me donne la gerbe.

- Je crois qu'elle est contente.
Moi aussi. Tu restes finalement.
- J'allais partir. J'ai fait ma BA.

Mes vieux sont en train de s'embrasser comme des ados en rut. Super. Au moins, ils ne me posent pas de question. Il fait rouler sa bière entre ses mains, tout en regardant sa fille s'amuser.

À l'orée de ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant