Chapitre 6

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Elijah

La nuit, je suis aussi sombre que ses ténèbres. Cette soirée était particulièrement chiante et emmerdante. Et puis elle débarque comme ça, complètement paumée, aussi lumineuse qu'une luciole. J'aurai pu la laisser là et rentrer chez moi. J'aurai pu passer ma route et ne pas la calculer et encore moins l'aider. J'aurai pu. Au lieu de ça, je suis pendu à ses lèvres.

- Qu'est-ce que tu veux savoir ? Dit-elle, les yeux baissés, les mains cachées dans sa veste.

J'ai failli répondre "tout", mais je me suis ravisé. Elle m'aurait envoyé me faire foutre. Comme tout à l'heure.

- Le crétin, il t'a foutu la paix ?

Un sourire crispé se dessine sur son visage, avant qu'elle se morde les lèvres.

- Il a pris le téléphone d'une de mes copines pour m'appeler. Elle soupire. Je suppose que le bloquer de partout a dû le frustrer. Résultat : j'ai plus de batteries et je me suis perdue.

Elle me regarde et je détourne la tête comme un débile.

- Je suis désolée d'avoir été un peu rude.

- Rude ? Non, carrément méchante. Mon cœur s'est brisé. Littéralement.

J'en fais des tonnes, mais ça fait son petit effet, elle rit.

- Il s'est dit qu'il avait peut-être une chance de t'avoir.

- Il peut toujours s'étouffer avec sa langue. Je le déteste.

Son visage se ferme.

- Tu veux que j'aille lui péter un genou ? Elle me regarde perplexe. Je suis sûr qu'il le mérite.

- J'aime l'idée, mais il n'en vaut pas la peine, même s'il le mérite à fond.

Un silence s'installe, tandis que nous avançons dans la nuit. Je devrais être mal dans mes pompes, mais je crois que j'apprécie ce silence autant qu'elle. On a la nuit pour nous, et ma colère de tout à l'heure s'est littéralement envolée.

- Et toi, ta soirée était aussi pourrie que ça ? Dit-elle.

Soit elle veut juste faire la conversation, soit ça l'intéresse vraiment. Je vais prendre la deuxième option. Je hausse les épaules.

- Pourrie, non. C'est la pire soirée du monde. Enfin, c'était.

Je lui souris. Elle aussi en évitant mon regard.
Elle vit dans le quartier résidentiel des militaires. Toujours calme, et bien entretenu. Les mecs sont droits jusque dans leurs pelouses parfaitement tondues. Je fais moins tâche ici que dans le quartier de Rita. Chez elle, ça pue le fric et le luxe. C'est un quartier témoin limite, tout dans le paraître, les apparences. À l'opposé de Yuna.
C'est très étrange d'être à côté d'une fille que je n'ai pas envie de ramoner direct. Ça me gonfle de parler d'habitude. Mais elle non. Je dois vraiment en avoir ras le cul pour ne rien envisager de lubrique.

Je lui explique ma mauvaise soirée, mon problème "Rita" sans la nommer. Parce que j'ai envie de gerber à chaque fois que je prononce son putain de prénom. Et bizarrement, elle éclate de rire. C'est complètement dingue. Parler de ses conquêtes rebute, mais elle, elle rit.

- Tu es tombé sur un sacré numéro ! Finit-elle par dire, le regard éclairé par son rire. Je comprends mieux pourquoi tu t'es enfui. J'aurai fait pareil.

- Ouais, t'es vachement mignonne quand tu ne m'envoies pas chier ! Tu sais ? Qu'est-ce qu'il t'a fait le crétin ?

J'ai envie de savoir. C'est tordu parce que je ne la connais même pas. Et je suis quasi sûr que je vais en avoir rien à foutre.
Elle s'arrête, hésitante, je viens de lui raconter ma vie elle ne va pas me faire le coup de la fille réservée, surtout qu'elle s'est bien foutu de ma gueule. Elle s'assoit sur un muret.

À l'orée de ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant