Yuna
La magie de Noël, les rues illuminées, le craquement de la neige sous mes pas. L'air froid qui picote mon visage. J'adore cette saison, et encore plus cette période. Un feu d'artifice de couleurs dans la blancheur immaculée. Il fait nuit depuis un moment déjà. Les flocons s'accrochent à moi, m'agressent le visage. Le froid mord ma peau, les éclairs de lumière deviennent flous au fur et à mesure que je cours. Ça tourne au massacre.
Le cœur battant, les cheveux emmêlés, je ne comprends pas. Pourquoi leurs silhouettes me semblent si familières ? Pourquoi j'ai mal au ventre ? Mon cœur retenti dans toutes les cellules de mon corps, comme une explosion. Mais mon cerveau est en panne. Il refuse ce qu'il a vu. Un accident ne m'aurait pas autant secoué. J'ai dû avoir une hallucination. Je ne réalise pas tout de suite que je suis dans l'entrée de ma maison, en sécurité.
Je ne comprends pas la terreur m'emporte. Je ne comprends pas. Il faut que mes pensées arrêtent de me bousculer, il n'y a aucune logique. Ce n'est pas normal, le monde tourne beaucoup trop vite pour moi. Je me laisse glisser sur la porte jusqu'à ce que je trouve le sol.
Une voix me parle sans que je comprenne le sens des sons. Je suis cassée. Et quand je lève la tête, Suki est inquiète. J'ai peur. J'articule.- Je me suis fait mal, Suk'.
Et j'ai éclaté en sanglots. Le cœur trop abîmé pour le refouler, le ventre pulvérisé pour ne pas ignorer la douleur brutale. En position fœtale, dans les bras de ma sœur et de May. J'ai dû la réveiller avec mes pleurs. Je suis désolée. J'ai si mal à la tête, assommée par la réalité. Je suis une conne qui n'a rien vu venir. La vérité est cruelle, et son affliction est encore pire.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? Yuna ? Tu es blessée ?
Mon amour-propre l'est. La voix de maman m'atteint, je l'ai réveillé elle aussi. Je devrais lui dire que je vais bien, que je suis en un morceau. Que mon être est totalement brisé de l'intérieur, mais que je vais m'en remettre. Pas tout de suite, pas maintenant. Là, j'évacue mon traumatisme, maman. Je me punis pour avoir été aussi stupide. Laisse-moi m'affliger maman. Je l'ai mérité. Je me déteste de n'avoir rien vu, je me déteste de m'être fait avoir. Laisse moi pleurer maman. Je suis tellement naïve.
Elles m'ont portée pour me faire monter les escaliers avec une précaution infinie. Comme si j'étais un verre fendu. Je me suis fait mal. Si mal. Mon cœur brûle à chaque battement, il veut me punir pour la souffrance que je lui inflige. Elles m'ont déshabillé, regardant chaque centimètre carré de ma peau, s'assurant que je suis intacte. Je ne peux pas leur dire que la fracture est à l'intérieur. Au plus profond de moi. Je me répugne.
- Je t'ai fait couler un bain bien chaud. Tu es gelée.
Un gant de toilette imbibée d'eau chaude caresse ma peau figée dans le froid.
- Tu crois qu'elle nous entend ? Demande May.
- Oui, elle est en état de choc. Elle n'a pas encore la force de nous parler. Répond ma mère.Un sanglot s'étrangle entre mes dents. Maman, je t'aime tellement de me comprendre sans que je dise le moindre mot. Je vais aller mieux, mais pas tout de suite. Je suis si fatiguée.
- Je vais t'aider à monter dans la baignoire. Dit Suki. C'est un peu chaud, ma puce. Je vais dedans en même temps que toi, d'accord ?
- On y va doucement, chérie.Des bras me tiennent la taille, des mains attrapent les miennes, je suis entièrement nue. Et je ne pense qu'à ça. Mon cerveau va finir par fondre à force de ressasser les images en boucle. Une sensation de chaud réchauffe mon corps. Est-ce que je pleure encore ? Ma gorge refuse de lâcher prise et de laisser mes cordes vocales émettre le moindre son. Elle a brûlé quand mon cœur s'est gelé. Est-ce que j'ai crié ? Je ne m'en rappelle pas. La magie de Noël, hein.
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À l'orée de Toi
RomanceDéménager dans une nouvelle ville : fait. Avoir le cœur en miette et un dysfonctionnement émotionnel : fait. Refouler tout ce qu'il s'est passé :fait. Tout a l'air de s'arranger, enfin ! C'est ce que je pensais avant de tomber sur une bande de dégén...