Yuna
Gauche, droite, gauche. Inspire. Gauche, droite, gauche. Expire. Coups de pied. Le bruit des gants de boxe qui frappe en rythme. L'odeur du cuir. Les effluves de transpiration. Une évasion bien méritée après cette première semaine. Je décompresse, la tête vide, l'esprit libre. Gauche, droite, gauche. L'avantage de vivre à côté d'une base militaire, c'est qu'il y a toujours une salle de sport ouverte tous les jours, à toute heure.
On est samedi, il est encore très tôt et je suis presque seule. Et c'est encore mieux. Quand j'ai ouvert les portes, je ne m'attendais pas a voir une salle aussi grande et aussi fournie. Tout de suite à gauche il y a les vestiaires. Une chance qu'ils ne soient pas mixtes, l'angoisse ! Je traverse l'étendue de la salle en slalomant entre les machines diverses et variées. Vélo, tapis de courses, des machines de formes diverses, des poids et des haltères. Tout ce qu'il est possible de trouver dans une salle de sport est ici. Même un ring situé tout à droite, des sacs de frappes, des gants, des cordes à sauter et ma tranquillité.
Je suis complètement seule dans cette partie de la salle, et c'est le top.
Chacun y va pour se changer les idées, se vider la tête et prendre soin de sa personne. De plus, la musique répandue par les enceintes, n'est pas un truc pop ultra criard, mais du bon vieux rock. Et rien que pour ça, je ne mets pas mes écouteurs.- Tu devrais gagner en vitesse si tu tendais moins le bras.
Une voix rocailleuse me sort de mon rythme. Une armoire à glace d'une bonne cinquantaine et en chemise à fleurs m'interpelle. Un sourire bienveillant décoré d'une petite barbe poivre et sel, et des yeux d'un gris très clair le salue. Je recule en expirant.
- Une démonstration ? Dis-je en souriant.
La chemise hawaïenne frappe le sac à une vitesse phénoménale. Mes yeux ronds parlent pour moi.
- Quand tu frappes vite et moins fort, avec l'inertie, tu peux mettre KO n'importe qui. Même un grand gaillard comme moi ! Il me tend la main, que je saisis. Je suis Abraham.
- Yuna. Merci pour cette précision. Vous êtes boxeur ?
Il prend un air rieur.
- En quelque sorte. Tu te débrouilles plutôt bien. Travaille ta vitesse et tu pourras terrasser n'importe qui.
Je reprends ma cadence quand celui-ci est appelé un peu plus loin. "Travaille ta vitesse et tu pourras terrasser n'importe qui". L'image furtive de Musclor et sa bande de dégénérés passe dans ma tête. Bien que je ne souhaite plus avoir affaire à eux, il est fort probable que l'on se recroise. L'idée ne m'enchante pas des masses, je saurai les recevoir s'ils osent me retoucher. Bien que mon hématome ne me fasse plus souffrir, la marque n'est pas tout à fait partie. Il vire au jaune pas beau. Ça n'arrivera plus.
Mes muscles endoloris se détendent sous le jet bouillant. Une chance que je sois seule, et que les portes se ferment à clef. Un groupe d'individus a pénétré dans la salle quand je la quittais. Que des garçons et tous baraqués. Alors mon soulagement est réel quand je vois qu'il y a des verrous sur les portes. Il y a même de quoi se sécher les cheveux. Parfait. Une fois habillée, je laisse mes cheveux lâchés. Ils ont pas mal poussé ces derniers temps, je vais peut-être les raccourcir un peu. Drew adore les cheveux longs. Quand je pense que je les ai laissé pousser pour lui. N'importe quoi. Plus jamais je ne ferai de concessions ou de compromis. Plus pour un garçon, en tout cas.
En parlant de concessions, je n'ai toujours pas cédé à Suki. Et je compte tenir bon. Cette soirée et cette bande ne m'intéressent pas. Pour les avoir vues au lycée, j'ai la certitude que se sont de gros crétins prétentieux. Alors, non merci. Je claque la porte du casier en métal gris, jette un œil aux alentours, toute la surface est blanche et carrelée. Des fenêtres aux verres opaques et floues donnent sur le parking. Je n'ai rien oublié. Je balance mon sac sur mon épaule et je claque la porte en partant. Je me sens tellement bien dans mes baskets, et c'est vraiment ce que je cherchais.
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À l'orée de Toi
RomanceDéménager dans une nouvelle ville : fait. Avoir le cœur en miette et un dysfonctionnement émotionnel : fait. Refouler tout ce qu'il s'est passé :fait. Tout a l'air de s'arranger, enfin ! C'est ce que je pensais avant de tomber sur une bande de dégén...