À l'orée de Toi

Chapitre 30

Yuna

India est redoutable. Elle ne se laisse pas impressionner par les remarques désobligeantes de ses clients et fait fi des regards noirs de mon envahisseur quand une deuxième bouteille de tequila arrive sur notre table.
C'est bien fait pour lui, il ne fallait pas m'emmener ici s'il voulait que je reste sage. Et puis j'ai déjà un père. Qu'il se fasse rembarrer me fait trop plaisir. Et puis, il a de quoi s'occuper. La fille sur ses genoux est très entreprenante. Alors de quoi il se plaint ?

Le maquillage fait des merveilles, j'ai pu cacher mon bleu juste en dessous de ma bouche. Et de tartiner ma lèvre coupée de baume hydratant aide à la cicatrisation. Presque comme neuve. Je tolère mieux l'alcool avec le ventre plein, je suis joyeuse et détendue. Pas comme lui. Je m'en fiche pas mal, c'est pour mon anniversaire après tout. C'est pas monsieur l'autoritaire qui va me dicter ma conduite, je ne l'écouterai pas de toute façon.

- Je suis content que tu t'éclates ! Me dis Fé.
- Tu rigoles ? Faire rager ton cousin, c'est mon sport favori !
- Je suis pas sûr qu'il apprécie.
- Est-ce que j'ai l'air d'en avoir quelque chose à faire ? Dis-je un sourcil relevé.

Fé éclate de rire et m'invite à danser. Il doit être tard, j'ai perdu le fil. Je m'amuse tellement que j'en oublie le reste. Si ma vie est un vrai chantier en ce moment, j'ai bien le droit de décompresser. Tant pis si ça fout sa majesté le duc des abrutis en rogne. Fé est un bon danseur, et il s'éclate à faire des Snap de nous tandis que je me déhanche avec India, la vache, elle assure. Je ne savais même pas qu'on pouvait bouger comme ça. Pourtant, je connais toutes les chorégraphies de Shakira. Une vraie novice.

- On s'enhardit à ce que je vois !

Oh bordel. S'il y a bien une personne sur cette foutue planète que je ne m'attendais pas à voir dans mon état d'ébriété actuelle, c'était bien lui.
Ses dreads attachées en arrière, et ce regard vert émeraude. En tailleur sur le sol, j'essaie de le regarder sans avoir la tête qui tourne. Je peux assurément dire que ça relève d'une discipline olympique. Mon psy, ce cher Onyx, s'accroupit en face de moi. Vu son équilibre précaire, il n'est pas mieux que moi. Sain d'esprit ? Ouais, c'est ça !

- Vous vous êtes perdus ou vous faites des psychanalyses dans le vif du sujet ?

Ma remarque me fait rire toute seule. J'adore la tequila. J'ai perdu Félix dans la bataille, je me souviens pas où. Il est peut-être dans ma poche, faut que je regarde. Ah bah non, il ne passerait pas de toute façon. Et puis qui voudrait d'un Félix miniature dans sa poche ? Non merci.

- C'est l'idée. Ça fait parti de mon numéro de charme. Répond-il joyeusement.

Je me retiens de lui dire qu'il en a pas besoin. Vu le beau gosse que c'est, à la place, je fais la moue.

- Joli plâtre.
- Il est cool, hein ?

Il finit par s'asseoir à côté de moi, sur le sol dur, dos contre le mur. Ça tourne vachement moins.

- Tu me racontes ?
- C'est rien.
- Yuna, c'est un plâtre. Soit il s'est passé un truc dont tu as honte, soit tu n'assumes pas.

Même bourré, il est perspicace. Saleté de mangeur de cerveaux. Ça lui va bien tien. Je passe ma main dans mes cheveux.

- Je n'ai pas honte, et j'assume complètement.
- D'accord, d'accord. Je te crois.

Il lève la main en signe de capitulation et sort un joint d'une de ses poches.

- Très éthique. Dis-je.
- Je ne suis pas en service.
- Alors arrêtez de siroter mon cerveau.

Il éclate de rire. C'est peut-être parce que je suis drôle. Ou bien parce qu'il se fout de moi. Je vais rester sur ma première idée, elle est mieux.