Yuna
Les plaies sont recouvertes de compresses imbibées de sérum physiologique. Histoire de nettoyer un peu le sang et voir où elles sont localisées. Linus s'y prend avec une douceur non-négligeable. L'odeur du latex de ses gants me chatouille les narines ainsi que le fer qui émane de mes plaies. Enfin ça chatouille, ça m'irrite en fait. Mon ventre me fait déjà regretté mon excès de colère. Je le sens faire des saltos dignes des Jeux olympiques. Ça pique un peu, mais c'est supportable.
Elijah entre dans la pièce et me fixe du regard. Je n'ose pas poser les yeux sur lui. Mon calme apparant est entièrement feinté. J'ai la trouille maintenant que l'adrénaline a quitté mes veines.
Linus me demande pour la millième fois si je vais bien. Je réponds oui en serrant les dents. Je ne suis pas douillette, loin de là. Sauf que, je suis tellement curieuse, j'ai regardé ma main. Elle est vraiment amochée. Des coupures, des bleus et une énorme bosse qui n'était absolument pas là il y a une heure de ça. À moins que ma main a décidé de devenir une piste de moto-cross, je suis sûre que ma main était parfaitement droite et fine. Mon petit doigt part sur le côté. Angle impossible à reproduire naturellement. Une main contorsionniste.
Elijah fait traîner un tabouret et s'assoit de l'autre côté du brancard. Il sent l'alcool, le tabac et la colère. Tout en lui transpire le danger. Il jette un coup d'œil à mes radios.
- Tu t'es pas loupé. Siffle t-il entre ses dents.
- Je fais toujours les choses bien. Un vrai talent.Je n'ai toujours pas levé les yeux vers lui. C'est ridicule, il m'a vu nue. Je relève la tête et fixe le plafond. C'est dingue le nombre de néons qu'il peut y avoir. D'ailleurs, y en a toujours partout des néons. Ça fait très sinistre et froid. Et c'est tellement aseptisé aussi. Je rêve d'un café. Ils sont toujours bons dans les hôpitaux. J'aime bien. Et bien chaud.
- Bon, tu as des entorses sur presque tous les doigts. Annonce Linus.
Je me redresse et le regarde. Elijah a les bras croisés. Mais leurs regards plein de sous-entendu ne m'échappe pas.
- Ouais. Et la mauvaise nouvelle ?
Silence.
- Ne me ménage pas, j'ai plus cinq ans.
- Deux fractures. Répond Elijah. Dont une déplacée.Je regarde de nouveau ma main. Je me disais bien que mon petit doigt avait oublié de se remettre à sa place.
- Tu peux le remettre à sa place ?
- Oui. C'est faisable. Tu devrais avoir une broche normalement. Et je te ferai un super plâtre. Je suis doué.Il ne finit pas sa phrase. Je sens qu'ils me cachent quelque chose.
- Mais ?
- Il n'a rien pour t'endormir. Même localement. Lâche Elijah.La surprise me prend tellement de cours que je lui jette un regard horrifié. À vif. Putain.
- Sur une échelle de "un à je vais mourir", on est à quel niveau ?
- Tu préfères quoi comme fleurs pour ton enterrement ?Je respire lentement, enfin, j'essaie. La panique m'envahit petit à petit. Ça ne pouvait pas être pire. La main toujours posée près de Linus. Je ferme les yeux. Je veux que mon petit doigt revienne à sa place. Mais je vais avoir mal. Elijah ne cache même pas son amusement. L'enfoiré.
- J'y vais à trois.
- Non mais trois, c'est trop court. Je ne suis pas prête psychologiquement à su...Le bruit de l'os qui se remet en place me pétrifie une fraction de seconde. Une douleur aiguë me coupe le souffle et me rend muette. Je sers les dents si fort et par réflexe, j'ai attrapé le bras d'Elijah et j'y plante mes ongles. Pas un son juste une envie de mourir ou qu'on m'ampute. Mes larmes, elles, coulent à flots. À vif. Et puis plus rien. Je crois que je me suis évanouie.
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À l'orée de Toi
RomanceDéménager dans une nouvelle ville : fait. Avoir le cœur en miette et un dysfonctionnement émotionnel : fait. Refouler tout ce qu'il s'est passé :fait. Tout a l'air de s'arranger, enfin ! C'est ce que je pensais avant de tomber sur une bande de dégén...