Chapitre 14 : Nuit Blanche

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La vie n'est qu'une succession d'obstacles. Difficiles, hauts, incontrôlables, parfois impossibles à traverser. Ils sont là pour nous tester. Pour nous endurcir. Ou pour nous effondrer.

Il y a ceux qui avancent en les surmontant et ceux qui restent derrière, attendant leur heure dans la dépression et la mélancolie. L'entre deux n'existe pas. Soit on a l'envie et la force d'enjamber, soit on abandonne.

Mais pourquoi abandonner ? Par manque de courage ? De maturité ? De logique ? D'énergie ? De rêves ? Par peur ?

La peur. Ce sentiment éprouvé par chaque être humain. Par chaque être vivant. Nous ressentons tous ce frisson qui nous glace le sang. Qui nous hérisse les poils. Qui nous donne des sueurs dans le dos. Qui fait battre notre cœur à des vitesses vertigineuses. Nous le ressentons tous. Absolument tous.

Mais s'il y a bien une chose pour laquelle nous devrions fuir c'est bien la mort. Nous rions pour cacher notre angoisse mais c'est bien réel. Personne ne peut y échapper. Personne. Alors si vous arrivez à vous lever chaque jour en ne vous préoccupant pas de votre extinction, vous pourrez surmonter chaque obstacle.

***

À cet instant précis, j'avais l'impression de pourrir de l'intérieur. Qu'on me découpait le cœur en petits morceaux. Qu'on me coupait de mon oxygène. Qu'on poignardait mes rêves un à un en les torturant de la pire des manières : par la réalité.

Et pourtant je respirais toujours. Mon cœur battait encore, me rappelant la dure vérité : je n'étais pas blessée physiquement. Mais mon esprit saignait, mentalement. Et je ne pouvais rien faire. Sauf avancer. Mais je n'étais pas prête. Pas seule.

Je me tournai une nouvelle fois dans ce lit vide. Frais. Inconfortable. Pour la première fois depuis longtemps, la nuit me semblait une éternité de supplice sans fin. Le sommeil ne m'accordait aucune trêve, ne voulant pas de moi. Mais je ne voulais pas de lui non plus.

Je lâchai un soupir, les yeux rougis par mes pleurs libres de tout contrôle. Je voulais que toute cette pression s'évapore. Je voulais qu'elle me lâche. Qu'elle me laisse tranquille.

Je tirai sur mes cheveux, n'en pouvant plus. Faites que ça se termine. Alors que mon sang bouillonnait sous l'énervement et la fatigue, je le sentis une deuxième fois. Cette sensation. Ce sentiment. Cette impression de ne pas être seule.

Je me figeai, pétrifiée sur place. Je n'osais plus bouger d'un poil, sentant mon cœur s'enflammer sur ma cage thoracique alors que mes poumons n'étaient plus oxygénés. Je voulais fermer les yeux mais je n'y arrivais pas. Non, impossible. Je n'entendais rien. Aucun bruit. Aucun son. Mais je voyais. Oui, je le voyais. Au bout de mon lit, me fixant de ses yeux noirs.

Dire que j'avais peur était un euphémisme. J'étais affolée. Paniquée. Effrayée, l'envie de crier à gorge déployée me prenant. Mais rien ne sortait. Rien. J'étais incapable de faire le moindre mouvement.

De mes yeux grands ouverts, je l'observais me regarder. Il était grand, immense. Aucune couleur ne ressortait à part du noir, partout. Tout sur lui était sombre, jusqu'aux entrailles des mains. Et l'odeur. Cette puanteur de boue, de terre mouillée et fraîche.

Mais quelque chose m'échappait. Il avait quelque chose que je n'avais jamais vu. Jamais senti. Jamais touché. Pourtant elle me semblait familière. Comme un sentiment jamais éprouvé mais qui fleurissait en moi. Prenant racine dans mes tripes mais ne donnant pas de fleurs.

Quelque chose d'incompréhensible et pourtant de bien réel.

Il cligna des yeux et je sursautai face au mouvement, des frissons me parcourant de la tête aux pieds. Je fus prise d'une montée d'adrénaline et me posai sur les fesses, en position assise. Je repris bruyamment une respiration, mes poumons me brûlant. Et aussi vite qu'il était apparu, il disparut, s'évaporant comme une image effacée.

Je restai de longues secondes en état d'alerte, ne comprenant pas. Mais que m'arrivait-il ? Alors que des questions se bousculaient dans mon esprit, toutes alarmantes les unes que les autres, une retint mon attention.

Comment avais-je fait pour le sentir si je ne respirais pas ?

Ce n'était pas humain. J'aurais dû ne rien sentir mais cette odeur ne s'oubliait pas. Elle était gravée en moi, dans ma mémoire. Parce que je l'avais bien perçue. Cette puanteur de boue fraîche et humide.

Je sentais mon teeshirt me coller au dos sous l'effet de la transpiration et mon sang circuler à une vitesse impressionnante dans mes veines. J'étais toujours paniquée, inquiète à l'idée que je devienne folle. Devais-je être enfermée dans un asile psychiatrique ?

J'en avais presque envie. Mais je savais que tout était réel, comme si rien n'arrivait au hasard. Comme si je devais le voir, l'entendre. Pourtant était-ce la même personne que celle qui avait parlé la dernière fois ? Ou voyais-je, entendais-je plusieurs personnes ?

Je n'en savais rien et en parler à quelqu'un voudrait dire annulation du départ. Et même si j'en avais grandement envie, encore plus à ce moment, je savais que je devais y aller. Une intuition. Juste un pressentiment. Mais qui allait dicter mon avenir, j'en étais consciente.

Je restais de longues minutes à attendre les yeux grands ouverts, regardant chaque recoin de la pièce, comme s'il allait réapparaître. Mais rien. Je pris rapidement conscience que je ne pouvais pas rester ici, seule. Alors je me levai péniblement, les jambes tremblotantes, et me dirigeai avec crainte dans les sombres couloirs.

Chaque bruit me semblait suspect. La pluie qui tombait sur les murs en pierre. Le vent qui soufflait. Les ronflements. Tous ces sons d'habitude si familiers me semblaient douteux. J'entendais les battements irréguliers de mon cœur s'intensifier à chaque fois, prisonniers de mon corps.

Je m'avançai le souffle court et lorsque je fus devant sa porte, je me stoppai. Ce n'était pas une bonne idée. Non, j'allais m'en mordre les doigts. Mais à cet instant, je ne voyais pas d'autres solutions. J'étais égoïste de penser à mon bien-être avant le sien. Je m'en rendais bien compte. Pourtant je posai faiblement ma main sur la poignée, encore tremblante.

J'hésitai un instant, réalisant piètrement les conséquences de mes actes, avant d'entrer sans un bruit. Je refermai derrière moi et fermai les yeux. J'entendais sa respiration, faible mais vive. Il m'avait entendue. Je me faufilai rapidement jusqu'au lit, sur la pointe des pieds, et montai doucement sur celui-ci.

« - Agathe ? chuchota-t-il. »

Je répondis avec fragilité et je le sentis bouger sous les draps. Dans la pénombre, je le vis m'observer et me laisser une place à côté de lui. Je restai quelques secondes immobile, ne sachant pas si je devais fuir ou me blottir.

Puis je me glissai délicatement dans les draps, cherchant du réconfort. Il rabattit la couette sur mon corps avant de se poser légèrement sur le côté, me regardant.

Je savourais la douceur de ses doigts sur ma peau qu'il frôlait. Je fermai les yeux, sentant mes paupières lourdes, avant de me nicher près de lui. Je me collai à son corps chaud, respirant son odeur masculine si intense.

Il m'encercla de ses robustes bras, me rapprochant au plus près de son torse dénudé. Et je finis par m'endormir au son des battements incontrôlables de son cœur. J'étais liée avec lui. Mon cœur et mon corps appartenaient à Loan.

***

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Empires : L'émergenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant