« - Elle a les mêmes yeux. »
Je fronçai les sourcils à l'entente de ce murmure incompréhensible. De quoi parlait-il ? À qui mon regard ressemblait-il ? Pourquoi cette information avait-elle l'air d'intéresser les soldats ? Je n'y comprenais rien.
« - Je vous demande pardon ? demandai-je timidement. »
L'homme barbu aux allures de guerrier me regarda encore et encore, comme s'il venait de tomber sur une perle rare. Une mine d'or. Un trésor inestimable. C'était flippant.
Je reculai au plus profond de mon siège, m'adossant avec crainte sur le dossier en bois. Je voulais mettre de la distance entre nous. Je ne me sentais pas en sécurité, les battements intensifs de mon cœur me percutant de plein fouet.
J'avalai difficilement ma salive, ne le quittant pas du regard de peur de louper un mouvement fatal.
« - Je ne vois pas de quoi tu parles, enchaîna Haz en haussant la voix. Ce n'est personne. »
Un rire sadique sortit de la bouche du soldat avant qu'il ne lui réponde sèchement :
« - Espèce de juda ! Oses-tu me prendre pour un imbécile ? »
Il lui fit face et je me sentis déglutir de plus belle. L'air semblait manquer dans la pièce et le silence pesant me faisait suffoquer. Ils se défirent du regard, comme deux combattants dans l'arène. Ils allaient se sauter à la gorge d'une seconde à l'autre.
« - Je veux juste aller à Rockfort. Je ne veux causer de problème à personne, déclarai-je avec anxiété. »
Mes paroles ne semblèrent pas désamorcer le duel et Haz finit par se lever pour se mettre à la même hauteur que le soldat armé. J'écarquillai les yeux avec horreur. Nous allions droit à la catastrophe.
« - Je te prends seulement pour ce que tu es. Un aveugle et un imbécile. »
Sans attendre une seconde de plus, Haz fonça droit sur le soldat avec élan et ardeur. Il le propulsa sur la table d'à côté, renversant la chaise qui se fracassa dans un bruit sourd. Il lui asséna un coup de poing dans le visage, faisant craquer des os. Du sang gicla et se répandit sur le nez de l'adversaire.
Je fis un sursaut et bondis sur mes pieds, l'adrénaline parcourant mon corps. Je me collai au mur, le cœur battant, et vis le guerrier sortir une arme aiguisée. Le métal brilla, reflétant son éclat dans la pièce maintenant vide. Dans un geste expert et habile, le soldat écrasa sa pointe acérée dans la gorge de Haz qui recula avec effroi.
Je sentis mon cœur rater un battement, ébranlé par la vision. J'étais paralysée, ma vie ne tenant qu'à un fil. Le soldat leva ses yeux rouge sang vers moi, me clouant les pieds au sol par son avertissement silencieux de ne pas bouger. Je restai interdite, incapable de faire le moindre mouvement envers Haz qui se tenait la gorge ensanglantée.
« - Tu n'es qu'un misérable ! Un déserteur et un abruti ! Jamais, tu m'entends ? Jamais tu n'auras le dessus sur moi, lança le soldat d'une voix glaciale. »
Haz se tut, accusant le coup mortel qu'il venait de recevoir. Je le vis convulser lentement, la mort l'aspirant. L'entraînant sans relâche. Je détournai les yeux de ce spectacle barbare et entendis le bruit sourd d'un homme qui tombait, fracassant le sol de son poids en chute libre.
« - Que juda t'accompagne dans ta mort ! »
Je fermai les yeux de dégoût, démunie. Les minutes défilèrent sous les convulsions intenses d'Haz avant que son corps ne perde définitivement la vie.
« - Voilà ce qui arrive lorsque l'on s'oppose au Roi Marcus. »
Un goût amer remonta dans ma gorge alors que la peur prenait place dans chacune de mes veines. J'étais paniquée à l'idée d'être la suivante. La gorge nouée, je gardai les yeux fermés. Je n'avais jamais vu la mort d'aussi près. Et y faire face me terrorisait.
Je sentis une main me frôler la joue et je sursautai, affolée. J'ouvris grands les yeux et me retrouvai à quelques centimètres du soldat sanguinaire. Je suffoquai alors qu'il m'observait attentivement, sous tous les angles.
« - Vous lui ressemblez tellement. »
Je retins ma respiration, alarmée, le trouble prenant place dans mon esprit torturé. Que me voulait-il ?
« - Il ne peut pas y avoir d'erreur. Non, mais c'est pourtant impossible.
- J'ai ... je ne sais pas de quoi vous parlez, bafouillai-je angoissée. »
Il m'offrit un sourire repoussant avant de reculer de quelques pas. Je repris ma respiration avec difficulté, l'oxygène me brûlant les poumons. Je devais fuir au plus vite. Je jetai un coup d'œil rapide vers la porte de sortie, le cœur battant.
« - N'essayez même pas, me surprit un autre soldat carré et inexpressif. »
Je me figeai, analysant mes options.
Soit je les suivais et qu'advienne ce qui m'arrivera. Mais je ne donnai alors pas cher pour ma peau. Ou alors je trouvai un moyen de faire diversion pour pouvoir m'enfuir loin d'ici et de ces soldats sans humanité. La deuxième option me convenait mieux.
Les jambes tremblantes, je me décollai lentement du mur froid et humide. Je pris de grandes inspirations non contrôlées et m'avançai sur le côté, voulant mettre une table entre moi et ces barbares.
« - Que voulez-vous faire ? Tentez-vous de nous échapper ? »
Je continuai mon avancée, des frissons d'angoisses me parcourant l'échine. Je finis par me stopper net, alarmée, lorsque les trois soldats m'encerclèrent.
« - Nous ne vous voulons aucun mal, commença le soldat sanguinaire en s'asseyant. Nous pouvons même vous emmener à Rockfort, n'est-ce pas ce que vous recherchiez ? »
Je secouai négativement la tête. Ils essayaient seulement de m'amadouer. Me tendant un piège.
« - Vous avez plus de valeur en vie et à Rockfort.
- Je ne vous crois pas, déclarai-je avec le peu de courage qui me restait.
- Si vous ne venez pas de votre propre gré, nous vous forcerons. »
J'aurai peut-être dû les écouter et ne pas lutter. Peut-être que je ne serais pas à cet instant les mains ligotées, emprisonnée sur un cheval au galop et le dos contre le torse bombé et métallique d'un des soldat. Peut-être que la traversée me paraîtrait plus agréable.
Mais j'avais tenté de fuir, prenant les jambes à mon cou. Et ils m'avaient rattrapée sans grand effort. Sans grande difficulté. Comme si je n'étais qu'une brebis affolée et perdue. Alors je me retrouvais maintenant à subir les à-coups du cheval et du soldat contre ma colonne vertébrale qui morflait.
Les gouttes d'eau assommaient brutalement mon corps meurtri par la brutalité de l'eau. J'étais essoufflée, tentant de garder l'équilibre sur l'étalon qui ne ralentissait pas. Lui ne s'épuisait pas. L'endurance et la vitesse réduisant mon souffle entrecoupé à une respiration hachée et violente. Je n'en pouvais plus.
L'angoisse et l'appréhension me coupant de mon oxygène. Comme un mauvais présage. Une intuition dévastatrice.
Mon bassin cognait contre la scelle et les hanches du soldat. J'avais au début tenté de m'éloigner de cet homme, ne voulant pas le toucher, mais j'avais fini par abandonner l'idée lorsque l'étalon était parti au galop, me propulsant contre son torse de ferraille inconfortable.
Alors que le soleil se levait, j'aperçus au loin les rayons se refléter sur des murailles en pierre surplombant des champs boueux. Je pouvais voir des charrettes entrer par une grande porte en bois massif et métal grisonnant. De la fumée s'échappait de bâtisses en bloc et s'élevait dans le ciel orangé à certains endroits. La grande route de passage était pavée, où l'on entendait les fers des chevaux claquer en un son sourd et brutal.
Mais le plus impressionnant était la forteresse bâtie dans la montagne rocheuse. Ce château dominait la vallée par sa hauteur, la culminant avec puissance. Avec pouvoir. Force. Et suprématie. J'étais à Rockfort. La ville souveraine du commandement. De l'autorité militaire. Du pouvoir politique.
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Empires : L'émergence
ParanormalLa vie d'Agathe va basculer dans un tourbillon de révélations le jour où ses parents vont lui révéler sa véritable identité. Les mondes parallèles existent et malgré ses réticences à croire à l'irréel, elle fera le choix d'intégrer une école d'élite...