Chapitre 35 : Affronter l'avenir

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Dix jours plus tard.

Blanc. Vierge. Immaculé d'un tapis soyeux et poudreux. Voici à quoi ressemblaient les terres du Nord qui s'étendaient à perte de vue. Ce territoire lointain et aussi reposant qu'angoissant était recouvert d'une végétation à l'état sauvage qui survivait malgré le vent glacial qui nous faisait face. L'humidité et le froid ambiant dans l'atmosphère formaient des particules cristallisées, la neige, qui glissaient promptement des nuages au sol complètement tapissé de flocons.

C'était natif et d'une telle pureté que je laissais mes yeux explorer cet environnement limpide et si solitaire, sans en ressentir le moindre frisson de fraîcheur.

« - Pourquoi ne m'as-tu rien dit à propos de Roan et de sa femme ? Lâchai-je subitement en me tournant vers Enrick qui ne me quittait pas d'une semelle. »

Je le vis tourner son visage frigorifié vers moi avant de répondre après quelques secondes de réflexion :

« - Ne m'en veux pas mais c'était trop risqué de t'en parler. Tu aurais été deux fois plus retissante à l'épouser.

- Parce que l'apprendre quelques minutes avant le mariage c'était moins risqué ? »

Il ne répondit pas. En réalité je n'aurai jamais dû le savoir, ou du moins pas avant d'avoir dit "oui" lors de la cérémonie. J'étais un pion, manipulée à la guise de personne bien plus puissante que moi. Mais durant ces dix jours de voyage interminable, j'avais compris une chose : au lieu de fuir mon avenir, je devais l'affronter.

Il fallait que j'arrive à me faire mon propre réseau qui m'obéirait à moi et moi seule. Ainsi je pourrais peut-être déjouer les pièges et pourquoi pas offrir un meilleur avenir pour le peuple. Je devais agir, j'en étais maintenant consciente.

Le pouvoir n'était pas donné, il fallait le prendre. Avec ruse et force. Avec distinction et fourberie. Il ne m'était pas offert malgré mon sang royal, je devais me battre pour l'obtenir. Et j'allais me battre.

Après quelques minutes à continuer d'avancer, j'entendis les murmures et discussions s'atténuer au fur et à mesure autour de moi, pour ne laisser qu'un long silence polaire. Je fronçai les sourcils et levai la tête pour trouver la cause de ces abstentions. Je le vis alors arriver dans ma direction, au galop, son allure autoritaire collant parfaitement à l'armure métallique qu'il portait.

Je bloquai ma respiration, des frissons de panique parcourant l'échine de mon dos. En dix jours, pas une seule fois nous avions échangé ne serait-ce qu'un regard.

« - Au coucher du soleil, vous me rejoindrez dans ma tente, déclara Azgar avec impassibilité alors qu'il était à mon niveau. »

J'écarquillai légèrement les yeux, le souffle court et des images de la nuit de noces me revenant en tête. S'il voulait ... non je ne pouvais pas. Je n'étais pas prête. Prenant mon silence pour un accord, il repartit devant le cortège de soldats, me laissant dans la crainte la plus totale.

« - Tu n'es pas obligée d'y aller, on trouvera un moyen. »

Je pivotai lentement la tête vers Enrick, et lui répondis d'une voix blanche :

« - Lequel ?

- Il ne veut peut-être pas partager le lit avec toi mais dans le doute, tu n'es pas encore prête. »

Je me repositionnai maladroitement sur la monture, mon intimité guérissant à faible allure et me brûlant encore à certains endroits. Je ne pouvais pas revivre ce calvaire. J'en étais incapable.

« - Que voudrait-il d'autre ? Demandai-je alors.

- Il est imprévisible. Je ne peux pas deviner, il a souvent deux coups d'avance. Soit il veut partager son lit et il faut que tu refuses ou alors il veut te parler et dans ce cas, c'est à notre avantage.

Empires : L'émergenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant