Chapitre 23 : Suprême

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Deux semaines plus tard.

Je repliai machinalement ma robe, essayant d'évacuer le stress. Tout allait bien se passer. Je soufflai un bon coup, fermant les yeux pour mieux me concentrer. Inspirer. Expirer. Lentement et en continu. Mon pouls diminua sa cadence mais la boule au ventre ne disparut pas. Non, elle s'amplifia.

Je fis quelques pas dans cette chambre qui était devenue mon quotidien. Je dépassai le lit en peaux de bœuf et léopard puis me dirigeai vers la seule lumière de la pièce. La fenêtre.

J'observai le vacarme dehors. Ces gens qui courraient dans tous les sens, s'afférant à leur dernière tâche de la journée. Ces crieurs publics qui hurlaient à tout bout de champ à qui voulait bien l'entendre. C'est-à-dire tout le monde, toute la ville ainsi que celles avoisinantes. Ces chevaux qui se faisaient piétiner. Ces marchands de tissus qui vendaient leurs meilleures marchandises pour le grand soir.

Pour ce soir.

J'avalai difficilement ma salive. Tous allaient venir. Aucun ne voulait rater cet événement qui avait été organisé une semaine auparavant. La surprise, la joie et le soulagement avaient teinté leurs visages à l'annonce de cette nouvelle qui en avait ravi plus d'un.

Sauf moi. Moi je me morfondais depuis une semaine, m'interrogeant sur le sort que m'avait réservé le Roi Marcus. Mon frère de sang. Un meurtrier sans état-d 'âme. Sans humanité. Un monstre sans cœur qui m'avait enfermée dans cette prison d'or.

Je ruminai intérieurement en repensant à la façon dont il m'avait traitée. Comme une moins-que-rien, une bâtarde, une ennemie. Il voulait ma mort. Je le savais. Une mort lente et sans scrupule où il pourrait voir lentement la vie quitter mon corps.

« - Agathe, tout va bien ? »

Je me retournai sans pression. Je savais qui c'était. Une seule personne se risquait à franchir cette porte fermée à clef depuis deux semaines. Enrick.

Le temps était long, affreusement long. Mes habitudes se limitaient à tourner en rond comme un lion en cage rêvant de s'enfuir et de mordre. Mais je préférais la solitude plutôt que de recroiser le chemin du Roi et de risquer de finir sur un bûcher.

« - Oui tout va bien, mentis-je la peur au ventre. »

Enrick avait été chargé de garder un œil sur moi, ce qu'il faisait avec grand plaisir. J'avais au début eu quelques réticences à son égard, le trouvant trop avenant, mais finalement il était ma seule compagnie. La seule personne avec qui je pouvais parler pour tuer le temps. Même si je savais que chacun de mes mots était reporté au Roi.

Alors je tournai toujours sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler, sur mes gardes.

« - Prête pour ce soir ?

- Que je sois prête ou non, je vais y aller de toute façon. »

Je le vis sourire en coin, creusant ces fossettes qui le rendait séduisant. Il s'approcha de sa démarche habile et élégante, postant son étroite carrure à quelques mètres de la mienne.

« - Et que vas-tu porter ? me demanda-t-il en pointant son perçant regard dans le mien. »

Je lui montrai, peu enchantée, d'un mouvement de tête la tenue qui m'attendait, accrochée à un panneau en bois. Je le vis détourner les yeux et observer avec attention ce que je porterai.

« - Très joli. »

J'acquiesçai simplement de la tête. Il n'avait pas tort.

Les teintes de cuivre qui ornaient le tissu de velours le rendait brillant, éclatant de beauté. Les longues manches en fibres ne laisseraient apparaître que mes mains. Les finitions en dentelle et en soie de la robe dévoilaient l'élégance raffinée de la robe. Elle était belle.

Empires : L'émergenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant