Chapitre 33 : Noces consumées

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Je serrai le poing gauche pour arrêter les tremblements et le saignement. Pourtant mes nerfs ne cessaient de faire tressaillir ma main avec anarchie, la coupure me brûlant en profondeur. Je n'arrivais plus à contrôler le sang qui affluait et dégoulinait sur le sol soyeux.

Mes tympans criaient de furie face aux hourras et aux applaudissements de la foule ravie et bruyante. Mais ce n'était rien en comparaison à ma conscience qui me répétait "tu es mariée, tu es mariée, tu es mariée ...". J'avais cette impression de vivre un enfer dont j'en étais la seule responsable.

« - Votre altesse, votre main. »

Je tournai la tête vers la voix douce du prêtre qui essayait de se faire entendre parmi le cortège d'invités et de mes pensées. Je lui tendis ma main saignante avec désinvolture alors qu'il enroulait un ruban en soie doré. Je le laissais faire sans réagir et finis par me relever, les jambes engourdies, accompagnant Azgar Knows qui m'attendait avec impatience.

Il joignit de nouveau nos mains rouges et nous traversâmes la foule, liés par les liens du mariage. Je restai concentrée sur mes pas, essayant de ne pas m'emmêler les pieds dans la robe longue et imposante tandis qu'un silence de plomb régnait entre nous.

Tout me paraissait si lointain. Si éloigné. J'avais cette impression que j'allais me réveiller d'un mauvais rêve et que tout redeviendrait comme avant. Mais plus les minutes défilaient, plus nous approchions des grandes portes qui menaient dehors, ce qui me ramenait à la vérité.

Tout ceci n'était pas un cauchemar. C'était la réalité pure et dure.

Derrière la lourde porte en bois massif qui nous séparait du peuple, j'entendis une voix grave annoncer notre arrivée par des mots élogieux. D'une seconde à l'autre, nous allions leurs faire face en tant que mari et femme. Et c'était flippant.

Un cliquetis, un vrombissement sourd et une lumière entrante : la porte s'ouvrait sur nous. Je bloquai ma respiration et avançai tel un automate vers la tribune qui nous montrait au peuple. L'effet fut immédiat, la foule cria, applaudit avec empressement et gaieté.

C'était hallucinant. La marée noire gueulait nos noms ainsi que le mot "paix" et au fond de moi, je savais qu'ils se trompaient lourdement. Ce n'était pas un mariage de prospérité mais de guerre. Et tous devant moi en étaient ignorants.

Nous restâmes à peine quelques minutes avant que des gardes de l'armée Nordyar ne nous escortent vers une salle plus petite et plus sombre. Je lâchai enfin la main froide et distante d'Azgar pour regarder autour de moi. Seules cinq bougies éclairaient cet endroit étroit et humide où des hommes armés entraient et longeaient les murs pour nous encercler.

L'air se chargea d'une certaine menace à mon égard et je sentis mes muscles se crisper à l'immobilisation des personnes présentes. Mes poils se hérissèrent sur mes bras et j'attendis, tendue.

« - En tant que ma nouvelle femme, tu devras porter la marque de mon règne sur ta peau. »

Je me tournai vers le Roi, les sourcils froncés. C'était la première fois qu'il s'adressait directement à moi et on ne pouvait pas dire qu'il était amical. Son ton glacial était plus un ordre qu'une proposition. Ses yeux noirs me fusillèrent sur place, quelle marque devrais-je porter ?

Voyant que je ne m'y opposais pas, il m'invita à poser les genoux sur la chaise prie Dieu en face de moi. Je m'installai du mieux que je pus malgré les tissus rouges encombrants de la robe et serrai fort le dossier pour cesser les tremblements. Je ne voulais pas paraître faible.

« - En aucun cas tu ne devras camoufler cette marque sous peine de mes représailles. »

J'avalai ma salive avec difficulté alors que je le vis approcher une broche en fer chauffée par le feu près de mon visage. Mon cœur s'emballa et je ne pus empêcher mon corps de se tendre de la tête aux pieds, les traits de mon visage tirés par l'inquiétude.

Empires : L'émergenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant