Supplie-moi [Partie 1]

#34 Alie

Je regarde Evelyn allongée dans son lit. Emmitouflée dans sa couette à fleurs, celle qu'elle préfère.
Elle a l'air sereine, totalement apaisée. On pourrait même croire qu'elle sourit. Elle est si belle lorsqu'elle sourit. Le visage débordant d'amour à chaque seconde. Je l'aime tellement moi aussi.

Ça fait des heures que je lui tiens la main sans rien dire, sans rien entendre, sans rien voir, à part Evelyn. Mon Evy. Mon tout. Je me remémore nos plus vieux souvenirs et imagine le futur. Je me rappelle toutes ces fêtes de Noël que nous passions tous les quatre, puis tous ceux que nous n'avons passé que toutes le deux. Je la vois déballer ses cadeaux d'anniverdaires avec la larmes aux yeux comme toujours. Je la revois le jour du bal de fin d'année, elle avait elle-même retoucher ma robe pour qu'elle soit parfaite. Je repense au jour où je l'ai abandonné pour aller vivre mon rêve californien, tout comme le jour où j'ai dû revenir. Elle était si heureuse de me voir revenir auprès d'elle. Comme la fois où elle m'a officiellement accueilli sous son toit pour veiller sur moi jusqu'à la fin. J'ai fait de mon mieux pour lui rendre la pareille et j'espère y être arrivé.

Hier soir, Grace est venue, comme prévu. Evelyn a mangé avec elle, des lasagnes, comme chaque samedis.
Elle a pris ses cachets, comme d'habitude. Elles ont regardé un film à l'eau de rose, comme prévu. Elles ont bu un thé citron/miel, comme chaque soir. Puis Grace est rentrée chez elle après que ma grand-mère ait décidé d'aller se coucher , comme d'habitude.

Ce matin, quand Grace est venue pour donner les médicaments d'Evelyn, comme d'habitude, ma grand-mère n'était pas réveillée. Quand Grace est montée voir si Evelyn allait bien, elle l'a trouvé encore endormie. Quand Grace s'est approchée pour la réveiller, Evelyn était partie. Rien que de me le dire me fait atrocement mal. Mais en même temps, je n'arrive pas à réaliser la chose. Evelyn a seulement l'air de rêver à cet instant. Et j'attends le moment où elle va se réveiller et me demander ce que je peux bien faire là à la regarder dormir. Mais hélas, elle ne se réveillera pas aujourd'hui, ni demain.

« Arrêt cardiaque » a dit le pompier. Lui et ses collègues sont en bas, dans le salon depuis je ne sais combien de temps, ils attendent pour l'emmener.
Mais je n'arrive pas à la laisser partir et rejoindre mes deux étoiles au ciel qui veillent sur moi. C'est si dur de se dire qu'elle aussi me laisse ici sans personne.

Je suis seule à présent. Pourquoi ? Pourquoi tous ceux que j'aime s'en vont ? Comme si la mort de mes parents n'avait pas été assez douloureuse, il a aussi fallut m'enlever Evelyn. C'est tellement injuste.

J'aurai tellement aimé lui dire au revoir, qu'elle me serre une dernière fois dans ses bras, quelle m'appelle « Aliénor » pour me faire râler, que je me blottisse contre elle sous la couette, qu'on savoure un thé citron/miel devant la télé. Mais plus rien de tout cela n'arrivera plus jamais. Elle n'est plus là. Je me demande qu'elle a été la dernière chose à laquelle elle a pensé avant de s'endormir. Quel a été son dernier geste. Son dernier rêve... J'aime me dire qu'elle a pensé à moi et que son dernier geste n'aura été qu'un simple sourire sur son visage en pensant au mien. J'aime espérer qu'elle a aussi rêver de moi une dernière fois avant de s'éteindre.

***

Assise dans le canapé de Grace, je regarde dans le vide. Ça fait plus de cinq heures qu'ils ont emmené Evelyn, et ça doit en faire huit que je n'ai pas dit un mot. J'aimerais ouvrir la bouche et hurler de désespoir, mais rien. J'aimerais pleurer toutes les larmes de mon être pour exprimer mon chagrin, mais rien. Je suis là sans y être. Comme si j'étais sortie de mon corps. Grace a bien tenté de me faire parler, manger ou boire, mais à quoi bon parler de la mort d'Evelyn ? Elle ne reviendra plus. À quoi bon avaler quelque chose quand on a seulement envie de vomir ? À quoi bon vivre quand on n'a plus personne ?

***

Je suis arrivée chez moi je ne sais comment. Je me souviens être allé faire un tour sur le porte pour essayer de me vider la tête. Mais rien ne ma aidé. Je ne voyais ni bateau ni mer. Seul le visage d'Evelyn masquait tout le paysage. Même cet endroit que j'aime tant ma semblé bien fade et sans intérêt. Je ne verrais plus jamais un bateau comme avant. Je n'ai même plus le désir de revenir un jour rêver de liberté sur le port. Mon seul souhait, c'est de me réveiller et de m'apercevoir que tour ceci n'est qu'un horrible cauchemar de plus.

Grace a appelé Oliver et Sakura pour les prévenir que je serais absente quelques jours. Je ne sais pas encore combien temps il me faudra pour relever la tête, mais tant pis. Heureusement qu'ils sont géniaux et me comprennent, car je n'aurai pas eu la force de dire à voix haute qu'Evelyn était morte. J'aime mieux que Grace ait pris cette lourde tâche pour tâche. Elle a toujours été là pour m'aider tout au long de ma vie. Elle était présente quand mes parents sont morts, et m'a aidé après Dave a cacher la vérité à ma grand-mère. Elle ne m'a jamais jugé tout comme elle et je lui en serai toujours reconnaissante. J'aimerai la remercie à nouveau pour tout ce qu'elle fait encore pour moi mais je n'en ai plus la force.

Allongée sur mon canapé, j'écoute Michael Bublé chanter Feeling good. Mais ce soir je sais, qu'il pourra chanter pendant des heures, et que je ne me sentirai pas bien. J'ai la douloureuse impression que, plus jamais, je n'irai bien. Plus jamais, je ne sourirai. Plus jamais.

Dire au revoir à ceux qu'on aime est quelque chose de terrible. Un jour ils sont là, puis le lendemain disparaissent. Elle était tout ce que j'avais. Evelyn était mon repaire, ma vie. Sans elle, je n'aurai plus la force de rien. Je vivais en fonction d'elle, sans penser à moi. Maintenant qu'elle est partie, je ne sais plus à quoi je vais bien pouvoir servir. J'ai l'impression qu'on m'a arracher un bout de ma vie à la seconde où on m'a prit Evy. Sans elle, je n'étais rien. Sans elle, je ne sais plus qui je suis.