9. CAZ

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J'arrivai au Sirroco avec cinq minutes de retard, et trouvait Gwenn déjà assise à table, un verre de vin à la main. Un second verre était posé en face d'elle, n'attendant plus que moi. Arrivé à sa hauteur, je l'embrassais avant de m'asseoir.

— Alors, comment était votre soirée ? me demanda-t-elle, l'air de rien.

Je lui rendis son sourire tout en levant mon verre.

— Il parait que les félicitations sont de rigueur.

Son sourire s'élargit, reflétant le bonheur qu'elle ressentait.

— J'espère qu'il a fait une demande en mariage digne de ce nom. Montre-moi ta bague.

Elle tendit sa main gauche, me laissant admirer le mince anneau d'or blanc sertit d'un solitaire de grenat rhodolite à la belle couleur prune qui lui allait à merveille.

— Eh bien monsieur n'a pas fait les choses à moitié, il m'a emmenée dans un très bon restaurant et au moment du dessert, il s'est mis à genoux et m'a demandée en mariage devant tout le monde.

Je levais les yeux au ciel devant l'annonce si classique et tellement sirupeuse.

— Alala, aucune imagination. Si ça avait été moi, j'aurais fait ma demande du haut d'une montgolfière.

Gwenn éclata de rire tout en retirant sa main.

— Tu as toujours eu la folie des grandeurs, et surtout aucune intention de te marier avec qui que ce soit.

Je lui fis un clin d'œil en souriant, et but une gorgée de vin rouge. Il était délicieux.

— Enfin, au moins la bague est belle, dis-je en reposant mon verre.

— N'est-ce pas ? s'extasia-t-elle.

J'eus un petit rire. Elle était rayonnante de bonheur, et ça me faisait plaisir pour elle. Cela faisait des années qu'elle voulait se marier. J'étais persuadé que le bébé ne tarderait ensuite plus à venir.

— Bon par contre, tu me dois quelques comptes, dis-je d'un ton grave.

Elle haussa un sourcil, surprise, et reposa à son tour son verre.

— Je t'écoute.

— Peux-tu me dire pour quelle raison je me retrouve à être le témoin de l'autre ahuri plutôt que le tien ?

Elle éclata de rire, visiblement soulagée qu'il ne s'agisse que de ça et non de quelque chose de plus sérieux. Elle se pencha ensuite en avant, ayant l'air d'une conspiratrice.

— Il a tenu à ce qu'on te joue à shifumi, et j'ai perdu.

— Ah ! Espèce de traitresse ! Tu sais pertinemment que tu es nulle à ce jeu-là !

Elle me lança un regard offensé, déjà prête à me répondre, mais le serveur vint à mon secours en arrivant pour prendre notre commande. Je n'avais pas regardé la carte, mais au Sirroco ce n'était pas nécessaire, je prenais toujours la même chose ; à savoir une côte de bœuf saignante. Gwenn pour sa part pris une salade – pour se donner bonne conscience – sauf qu'elle était composée d'une tonne de viande et de pomme de terre, sans compter les petits toasts au chèvre. Avec tout ça, on commanda également une bouteille de vin. Le repas allait être festif.

Lorsque le serveur nous quitta, Gwenn avait oublié ce qu'elle voulait me dire, et je relançais la conversation sur le sujet principal de notre déjeuner. À savoir le vernissage.

Gwenn m'expliqua qu'il s'agissait d'un jeune artiste très en vogue qui était en train de se faire un nom dans le milieu grâce à un agent très entreprenant. Il montait donc sa première grande exposition et ils avaient fait appel à l'agence de Gwenn, réputée sur la place parisienne pour s'occuper de l'évènement.

Elle me parla ensuite de ce que l'artiste faisait, de la peinture ultra réaliste faite de portraits et de paysage, puis de ce qu'ils avaient imaginé pour la décoration. On entrait cette fois dans mon domaine, et je me mis à participer activement, sortant mon carnet de l'une de mes poches pour prendre des notes et faire des schémas. Expliquant à Gwenn quelles fleurs étaient possible ou non.

Lorsque les plats arrivèrent, nous continuâmes notre conversation jusqu'à ce qu'on se mette d'accord sur un thème et un style.

— L'exposition est dans trois semaines, c'est bien ça ? demandais-je entre deux bouchées.

Gwenn acquiesça.

— Tu penses pouvoir avoir les fleurs dans combien de temps ?

Je haussais les épaules, faisant passer ma dernière bouchée de viande avec du vin.

— Pour bien faire, il faudrait aller les commander en début de semaine prochaine, mardi ou mercredi. Il faut que je voie avec Thomas s'il pourra faire la fermeture.

— Et à quelle ouvre le marché de Rungis ? demanda Gwenn.

— À 3h le mardi et 4h le mercredi.

Je vis le visage de mon amie se décomposer, et éclatais de rire.

— Je suis habitué à y aller aussi tôt tu sais.

— Ouais mais je pensais t'accompagner à la base.

— Pourquoi faire ? Tu n'es jamais venue avec moi jusqu'ici. Ça y est, tu n'as plus confiance en moi.

Elle leva les yeux au ciel, souriant devant mon ton faussement dramatique.

— Non, je voulais prendre contact avec tes fournisseurs pour choisir les fleurs pour le mariage.

— Et c'est quoi la date que vous avez prévu au juste ?

— Elle n'est pas encore posée, mais sûrement fin juin.

Ce fut à mon tour de lever les yeux au ciel.

— Alors profite de ton sommeil pour le moment. On aura bien le temps de s'en occuper à la fin du printemps. Pour le moment ça ne sers à rien, il n'y aura pas les fleurs que tu veux.

— Je me doute, je voulais seulement les rencontrer pour prendre contact avec eux.

— Gwenn, fais-moi confiance, je gèrerai les fleurs de ton mariage à la perfection. Pas la peine de t'angoisser dès maintenant pour ça. Surtout que tu as sûrement d'autres choses à voir en priorité.

— Oui ne m'en parle pas. Il faut qu'on trouve une salle, ensuite qu'on fixe une date, qu'on lance les invitations, qu'on choisisse quelqu'un pour la cérémonie laïque.

— Sans compter ta robe.

Elle finit d'une traite son verre de vin à cette évocation.

— Ouais, il va falloir que je gère tout ça en plus de mon travail.

— Et pourquoi tu ne prends pas un organisateur de mariage ?

Elle me regarda comme si j'avais dit la chose la plus idiote au monde.

— Ça te viendrait à l'idée d'aller voir un autre fleuriste pour lui demander de te faire un bouquet de fleurs ?

— Non en effet.

— Bah voilà. Je préfère organiser notre mariage moi-même.

Je hochais la tête et me réfugiais derrière mon verre de vin. À cet instant je souhaitais tout le courage possible à Jérémy pour affronter sa future femme durant les mois à venir.


Pour un bouquet de fleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant