15. CAZ

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Installé derrière le comptoir pour vérifier la caisse, j'observais de temps à autre mes deux employés.

Cela faisait maintenant quelques semaines que Nadia était à la boutique. Elle avait pris ses marques et semblait à l'aise aussi bien avec nous que la clientèle. Thomas l'avait prise sous son aile et lui apprenait le métier. C'était après tout lui qui avait fait en sorte qu'elle soit embauchée, et je soupçonnais qu'il n'était pas indifférent au charme de la jeune fille.

Il n'y avait qu'à voir la façon dont il la regardait dès qu'il pensait que personne ne lui prêtait attention, ou encore la manière dont il se précipitait dès qu'elle avait besoin d'aide. Il m'avait également plus d'une fois lancé un regard noir lorsque je l'avais reprise sur certaines choses d'un ton peu trop rude selon lui.

Pour ma part je trouvais ça mignon de les voir tous les deux se tourner autour sans oser faire le premier pas l'un vers l'autre.

Alors que mon portable vibrait au fond de ma poche, me tirant de mes pensées, je regardai l'heure.

— Nadia, il est 17h passé, tu peux y aller.

— Je termine ce que je fais...

Je levai les yeux au ciel et la rejoignit, lui prenant les fleurs des mains.

— Thomas ou moi pouvons très bien le faire. Ça ne sert à rien que tu fasses des heures supplémentaires.

— Mais je voulais juste...

— Il n'y a pas de « mais ». Si tu tiens tant que ça à faire des heures supplémentaires, je te conseille d'attendre la fin du mois prochain. La période de Noël sera un vrai bonheur pour toi. En attendant ouste. Hors de la boutique.

Loin de le prendre mal, la jeune femme me lança un petit sourire en coin tout en acquiesçant.

— D'accord, d'accord, je file. Mais j'ai bien retenu qu'en décembre vous ne vous débarrasserez pas de moi comme ça.

— Oui et toi on verra si tu fais toujours autant la maligne à ce moment-là.

Je l'entendis éclater de rire alors qu'elle disparaissait dans la boutique, et m'occupai de terminer de recharger le bac de fleurs qui était pratiquement vide. Thomas, de son côté, n'avait rien raté de l'échange, mais était occupé avec un client.

Je revins ensuite dans la boutique et y retrouvai Thomas qui encaissait sa vente. Une fois le client parti, nous nous retrouvâmes tous les deux.

— Si tu veux tu peux y aller également, glissai-je l'air de rien tout en regardant le message que j'avais reçu juste avant.

— Pardon ? demanda Thomas surpris.

— C'est calme aujourd'hui, donc si tu veux tu peux y aller aussi.

— Qu'est-ce que ça cache ?

Je haussais les épaules sans le regarder.

— À ta place, je ne perdrai pas de temps à me demander pourquoi mon patron est aussi sympa avec moi ; Nadia ne va pas mettre des heures à prendre ses affaires.

Du coin de l'œil je le vis rougir.

— Je ne vois ce que viens faire Nadia là-dedans, bafouilla-t-il.

— Si tu ne vois pas le rapport alors... Mais c'est dommage ; si tu avais terminé plus tôt, tu aurais pu l'inviter à prendre un verre par exemple.

Je terminai de répondre au sms que j'avais reçu et rangeai mon portable, toujours sans regarder ouvertement Thomas qui semblait plus que gêné.

Derrière-nous, la porte de l'arrière-boutique s'ouvrit et Nadia en sortit, une veste en cuir passée par-dessus son pull et un foulard autour du cou.

— Bon messieurs, j'y vais. Bon courage pour la fin de la journée.

— Nadia attends s'il te plait, dis-je alors qu'elle passait devant nous.

À côté de moi, Thomas me saisit le poignet pour me faire taire, mais c'était mal me connaitre, et je continuai :

— Thomas voulait voir quelque chose avec toi.

Je dégageai ma main et sorti de derrière le comptoir pour aller à la rencontre d'une cliente qui observait les fleurs à l'extérieur. Je jetai un coup d'œil pour voir Thomas se mettre à parler. Je devinais rien qu'à sa tête qu'il bafouillait. Mais finalement j'aperçu Nadia acquiescer et le vit disparaître rapidement dans l'arrière-boutique. Je me retins d'éclater de rire alors que la cliente me demandait conseil.

Lorsque je revins dans la boutique, un bouquet à la main, et la cliente derrière moi, je vis Thomas sortir à son tour.

— Je suis prêt, on peut y aller.

Nadia me jeta un coup d'œil et devint rouge comme une pivoine.

— Bonne soirée les jeunes, dis-je en souriant.

Ils me remercièrent, tous les deux gêné par la situation. J'avais l'impression d'être un parent laissant sortir son fils pour la première fois avec une fille ; et je m'amusai autant de la situation, que de ma capacité à les mettre si mal à l'aise.

— Au fait Thomas, ajoutai-je tout en emballant le bouquet de cliente. N'oublie pas que demain tu es d'ouverture.

Je vis le jeune homme me lancer un regard noir, mon sourire s'élargit un peu plus. J'aurais normalement dû m'occuper de l'ouverture ; lui ne devant arriver qu'à 10h, tout comme Nadia. Mais il me devait bien un petit service pour l'avoir laissé partir plus tôt ; et puis cela me permettrait d'avoir du temps pour discuter avec lui, et jouer les commères demain matin.

Je terminai d'encaisser la cliente, qui elle, n'avait pas prêté la moindre attention à la scène, puis me retrouvai seul à la boutique.

De nouveau mon portable vibra, et je le sorti pour lire la réponse à mon précédent message. Depuis le vernissage, Mattéo et moi-même avions pas mal discuté par sms pour organiser l'enterrement de vie de garçon de Jérémy. Loin d'être aussi coincé que je le pensais au début, je découvrais une nouvelle facette de lui au fur et à mesure que nous échangions des idées de lieux et d'activités. Je commençais à me dire que c'était une personne que je pourrais finalement apprécier. Et si les choses continuaient ainsi, Jérémy aurait également l'enterrement de vie de garçon le plus délirant auquel il n'ait jamais assisté.

Alors que j'envoyai une réponse à Mattéo, le téléphone du magasin se mit à sonner.

— Boutique Pour un bouquet de fleurs, bonjour.

— Salut Caz, c'est Gwenn.

— Salut, comment vas-tu ?

— Toujours aussi débordée, et toi ?

— C'est assez calme en ce moment. Halloween n'est pas trop une fête pour les fleuristes. Alors dis-moi, qu'est-ce qui me vaut ton coup de fil, tu as besoin de mes services ?

— Non, je t'ai appelé à la boutique parce que je me suis doutée que tu y serais encore, mais c'est pour quelque chose de privé.

— Je t'écoute.

— Je voulais savoir si tu étais dispo samedi pour déjeuner ?

— Hum... Je dois passer les commandes pour le mois de décembre le matin, mais je pense que devrai pouvoir me libérer le reste de la journée et laisser Thomas et Nadia gérer. Une raison particulière à ce déjeuner ?

— Non aucune, c'est juste que ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus tous les trois avec Jérémy.

— D'accord, répondis-je sans vraiment y croire.

— Bon eh bien à samedi. On passera te chercher à la boutique.

— Ça marche. Bonne fin de journée et à samedi.

Je raccrochai en me demandant ce qui se tramait exactement. Le ton de Gwenn n'était pas aussi léger qu'à l'habitude et il était plutôt rare qu'ils me demandent de me libérer à la dernière minute. J'avais un mauvais pressentiment et je me disais que ce qu'ils allaient m'annoncer n'était pas forcément pour me plaire.


Pour un bouquet de fleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant