Pour un bouquet de fleurs

16. MATTEO

Je refermai l'écran de mon pc et me renfonçai dans le canapé en soupirant.

Ces dernières semaines, j'avais regardé mes comptes sous toutes les coutures, étudié les possibilités de prêts avec mon conseillé bancaire, et discuté avec ma famille en long en large et en travers de ce que représentait le fait de prendre une étude à mon compte. Monsieur Charpentier m'avait présenté les chiffres de l'étude, ce que ça lui coutait et ce que ça lui rapportait. Le cabinet était un investissement conséquent, mais j'avais un bel apport et la banque était d'accord pour me faire un prêt à un taux intéressant.

Ne me restait plus qu'à rencontrer monsieur Charpentier avec nos avocats la semaine prochaine, afin d'étudier une offre de contrat.

En attendant, c'était le weekend et je m'ennuyai royalement chez moi.

Depuis que je sortais avec Laurent, j'avais pris l'habitude de passer tous mes weekends avec lui, et celui-ci ne devait normalement pas faire exception à la règle. Sauf qu'à la dernière minute, il m'avait annoncé qu'il devait retourner voir ses parents pour le weekend pour une raison qui était restée complètement obscure. Du coup, je n'avais rien de prévu, et je me retrouvai chez moi, sans savoir quoi faire.

Mon téléphone sonna, signalant que je venais de recevoir un message. Je le récupérai sur la table basse, espérant qu'il s'agisse de Laurent.

Lorsque je vis le sms, je ne pus m'empêcher de sourire. Ce n'était pas Laurent, mais Caz. Depuis le vernissage nous échangions des messages pour l'organisation de l'enterrement de vie de garçon de Jéremy. Ce mec n'avait aucune limite. Il proposait des idées plus folles les unes que les autres, et je devais bien avouer que je rebondissais allègrement sur ses propositions. Si cela continuait, nous allions finir à Ibiza, Jéremy déguisé en danseuse exotique avec une salade de fruit sur la tête en guise de chapeau.

Mais je devais bien admettre qu'il était beaucoup moins crétin que je ne me l'étais imaginé.

Je regardai ma montre. Il était presque 11h. Dehors, même s'il faisait froid, c'était tout de même une journée magnifique ; et je n'avais rien de prévu au programme. Une petite balade parisienne ne me ferait pas de mal. Je pourrais également en profiter pour passer à la boutique de Caz voir s'il travaillait. Cela me permettrait de discuter un peu avec lui pour avancer sur l'organisation du weekend avec Jérémy. Je devais également bien admettre que depuis que j'avais vu son travail au vernissage, j'étais curieux de découvrir sa boutique.

Je me préparai donc avant de me mettre en route. Je flânai dans les rues en direction de la Gare de Lyon et m'arrêtai devant la fleuristerie se trouvant sur le trottoir d'en face. C'était le magasin le plus atypique que je n'avais jamais vu. La devanture était ancienne et toute en bois, sans que la moindre indication de nom ne figure dessus. Cependant, les grands bacs débordants de fleurs diverses et colorées ne laissaient aucun doute sur la nature de la boutique. Derrière les vitres, tout ce que l'on pouvait apercevoir était un entrelacs de fleurs et de plantes, laissant imaginer une sorte de jungle. Toujours en train d'observer les lieux, je vis Caz sortir de la boutique pour raccompagner une cliente chargée d'une énorme plante en pot. Alors qu'il s'apprêtait à rentrer, son regard croisa le mien. Je vis la surprise s'afficher sur son visage avant qu'un large sourire n'étire ses lèvres. Il me fit un signe de la main que je lui rendis avant de traverser pour le rejoindre.

— Eh bien, qu'est-ce que tu fais ici ? Je te croyais occupé tout le weekend avec ton copain.

— Changement de programme. Il a dû aller voir ses parents. Du coup me voilà.

— C'est Gwenn et Jérem qui t'ont prévenu ?

Je fronçai les sourcils.

— Non ? Prévenu de quoi ?

— Gwenn m'a appelé en début de semaine pour que l'on déjeune ensemble. Je pensais que tu étais au courant.

— Non pas du tout.

Caz haussa les épaules.

— Bon eh bien puisque tu es là, joins toi à nous. Ils ne devraient pas tarder à arriver.

— Tu es sûr ? Je n'étais pas prévu à la base.

— Bah, répondit Caz en évacuant ma remarque d'un geste de la main. Je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas te joindre à nous. À moins que tu aies quelque chose de prévu ?

Je secouais la tête.

— Non, je suis libre comme l'air.

De nouveau le sourire de Caz s'élargit.

— Bon alors tout va bien. Allez entres te mettre au chaud pendant que je vais me changer.

Il entra dans la boutique, m'obligeant à lui emboiter le pas. Il faisait en effet meilleur, et comme je l'avais imaginé depuis l'extérieur, l'intérieur de la boutique était tout aussi atypique. Les bibelots décoratifs y croisaient les plantes dans un joyeux capharnaüm. À chaque pas que l'on faisait on avait l'impression d'avancer dans un jardin mais en intérieur. L'atmosphère que dégageait la boutique était chaleureuse et agréable. Il y a quelques semaines encore, je n'aurais pas associé cette ambiance à Caz, mais finalement, cette boutique semblait lui ressembler parfaitement.

— Bonjour monsieur, je peux vous aider ?

Je sursautai et me retournai pour découvrir une jeune femme me souriant.

— Bonjour, euh non, j'attends Caz.

— Oh d'accord pas de soucis, dit-elle avant de disparaître de nouveau derrière un amas de plantes.

Je continuai à avancer jusqu'au comptoir où se tenait un jeune homme.

— Bonjour, dis-je, j'attends Caz.

— Bonjour, pas de soucis, me répondit-il tout en me détaillant.

Gêné par le regard qu'il me lançait, je regardai ailleurs, attendant que Caz ait terminé de se changer. Il réapparut quelques minutes plus tard, vêtu d'une veste épaisse et d'une écharpe.

— J'ai eu Gwen. Ils sortent du métro. Je leur ai dit qu'on les rejoignait. Tu es prêt ? me demanda-t-il.

J'acquiesçai.

— Bien, les jeunes je vous confie la boutique. À lundi.

— À lundi patron. Et ne fais rien que tu pourrais regretter, répondit le jeune homme d'un ton amusé.

Je vis Caz grogner et lever le poing, son majeur dressé. La seule réponse avant que nous ne sortions fut un éclat de rire.