12. MATTEO

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— Tu es sûr que tu ne veux pas me rejoindre ?

À l'autre bout du téléphone j'entendis le rire de Laurent.

— Non. Je serai crevé après le sport et le temps que je rentre et que je me change il sera trop tard. Profite de la soirée. J'aurais bien d'autres occasions de rencontrer ton cousin.

— D'accord, comme tu veux, répondis-je en cachant la pointe de déception que je ressentais. Bon je te laisse je vais rentrer dans le métro.

— Bonne soirée.

— Merci à toi aussi.

Je raccrochai et m'engouffrai dans l'escalier. Laurent et moi sortions ensemble depuis quelques semaines maintenant. Lors de notre rencontre, j'avais tout d'abord pensé qu'il était le genre de mec entreprenant ; mais nous nous étions séparés ce soir-là sur un simple baiser, et l'échange de nos numéros de téléphone. Il m'avait appelé le lendemain pour m'inviter à diner, et nous fixâmes un rendez-vous pour le samedi soir. Nous allâmes au cinéma, puis il m'emmena ensuite dans un petit restaurant du quartier d'odéon. Nous parlâmes beaucoup. Il me raconta qu'il sortait d'une relation passionnelle qui avait durée deux ans, et qui s'était finie comme elle avait commencé. À présent, il avait envie de quelque chose de plus posé, et surtout de prendre son temps. Nous nous séparâmes donc ce soir-là de la même façon qu'à notre rencontre. Ce fut la même chose lors de nos autres sorties.

Cela ne me gênait pas outre mesure. Je comprenais sa volonté de ne pas vouloir aller trop vite ; d'autant que c'était souvent lui qui me sollicitait pour sortir, ce qui tendait à me rassurer sur le fait que je lui plaisais. Mais cela avait tout de même un côté frustrant, je devais bien l'admettre.

Je sortis du métro et marchai jusqu'à la galerie. C'était Gwenn qui organisait la soirée du vernissage. Tout le gratin parisien y serait, et elle m'avait envoyé une invitation également. Non pas que je fasse partie du dit gratin, mais elle savait que j'aimais l'art. Sans compter que Jérémy y serait aussi, et que tout comme moi il ne connaîtrait personne. Comme ça on se serrerait les coudes durant les mondanités.

Lorsque j'arrivai, il y avait déjà du monde et quelques personnes attendaient que le vigil ait vérifié leur invitation pour pouvoir entrer. Je patientai, et montrai le carton une fois mon tour venu, avant de pénétrer dans les lieux. À l'intérieur régnait un léger brouhaha qui ne parvenait pas à masquer le fond sonore. La soirée était mondaine et l'ambiance se voulait classe. Je retirai ma veste, et un serveur se proposa de m'en débarrasser contre un ticket numéroté, ce que j'acceptai. Je déambulai ensuite dans la salle, admirant rapidement les lieux, mais cherchant avant tout Gwenn ou Jérémy. Je repérai le couple. Gwenn était en grande discussion avec quelqu'un, tandis que mon cousin écoutait, faisant bonne figure. Je décidai de le sauver et les rejoignis, me mêlant au groupe. La discussion s'interrompit, alors que Gwenn me faisait la bise, puis me présentait.

— Mattéo, contente que tu aies pu venir. Monsieur Cooper, je vous présente Mattéo Parrier, c'est le cousin de mon fiancé. Il est également notaire.

Nous nous serrâmes la main, échangeâmes quelques mots, puis l'homme s'excusa et se détacha de notre groupe, nous laissant seuls.

— Alors, me demanda Gwenn, tu as eu le temps de faire le tour de l'exposition ?

Je secouai la tête.

— Non, je viens seulement d'arriver. Je vous ai d'abord cherché.

— Et as bien fait, répondit Jérémy. Caz n'est pas encore arrivé et je commençais à m'ennuyer à mourir.

Je fronçai les sourcils à l'évocation du meilleur ami de mon cousin.

— Parce qu'il doit venir également ?

Gwenn acquiesça.

— Bien sûr, c'est lui qui a fait la décoration florale de la salle.

Je me tournai et regardai les lieux. Il y avait en effet des fleurs disséminées artistiquement dans toute la galerie.

— Merde, alors l'autre fois ce n'était pas une blague quand vous m'avez dit qu'il était fleuriste ?

— Évidemment, s'exclama Jérémy. Il t'a même raconté comment on s'était rencontré.

— Ouais enfin je pensais quand même que vous vous foutiez de moi.

Un serveur passa à ce moment-là, proposant des coupes de champagne. J'en saisi une et bu une gorgée. Les deux autres avaient déjà un verre à la main.

— Eh bien, je te confirme que Caz est bien fleuriste, ajouta Gwenn en souriant. Tu verras, c'est fou ce qu'il réserve comme surprise sous ses airs d'ours mal léché.

Je me contentai d'hocher la tête, ne voyant pas quoi répondre. Pour ma part, je doutais de trouver de réels bons côtés à cet homme. Nous n'avions clairement rien en commun.

— Bon, ajouta la jeune femme. Puisque mon cher fiancé n'est plus seul, je peux l'abandonner sans la moindre culpabilité. C'est qu'il y en a qui travaille ici. Messieurs je vous laisse. Mat, je te confie sa culture artistique. Et si tu veux, je te présenterai l'artiste plus tard.

— Ça marche, file jouer les organisatrices de soirée.

Elle me lança un clin d'œil avant de s'éloigner, nous laissant entre homme.

— Tu as déjà fait le tour de la galerie ? demandai-je à mon cousin.

— Ouais rapidement juste avant que la soirée démarre. Elle m'a aussi présenté l'artiste, Grégoire Sabiel.

Jérémy se tourna vers la salle pour trouver l'artiste en question et me le montrer. Je suivis le mouvement, et nous vîmes alors Caz entrer dans la galerie. Il s'était habillé pour l'occasion, portant un pantalon de costume noir, et une chemise blanche dépourvue de cravate et dont le col était ouvert. Il affichait néanmoins toujours sa barbe de quelques jours et ses cheveux en bataille. Même habillé pour une soirée, il gardait un style négligé.

À mes côtés Jérémy commença à lever la main pour attirer son attention, mais Caz ne le vit pas, et fut appelé de la même manière par un autre homme au bout de la salle. Nous le regardâmes rejoindre celui qui l'avait appelé.

— Ah bah il connait visiblement bien l'artiste, s'exclama Jérémy en souriant. Je suis prêt à te parier qu'ils ont déjà couché ensemble ou que ça ne devrait pas tarder.

— Hein ?! m'exclamai-je d'une façon très éloquente. Il n'est pas hétéro ?

Jérémy secoua la tête.

— Non, il est plutôt bi je dirais. Il couche aussi bien avec des hommes que des femmes.

Je hochai la tête sans rien dire. Plus j'en apprenais sur lui, plus mon impression d'avoir à faire à un gigolo se confirmait.

— Allez, repris Jérémy, allons les rejoindre. Comme ça je pourrai me vanter auprès de Gwenn de t'avoir fait rencontrer la star de la soirée.

Puis sans m'attendre, il se dirigea vers les deux hommes.


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Pour un bouquet de fleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant