3. CAZ

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Plongé dans les livres de stock depuis le début de la matinée je lâchai un énième soupir. Tous les mois c'était la même histoire. Je devais faire un point sur la gestion des stocks, et voir ce qu'on allait commander en fonction de ce qui nous restait, de la saison, et bien sûr de ce que l'on avait vendu.

J'avais beau adorer mon métier, ce n'était franchement pas la partie que je préférais. Et Thomas l'avait bien compris, parce qu'il se faisait un malin plaisir à me laisser la sale partie du boulot au prétexte que j'étais le patron. Comme s'il n'avait pas fait ça des centaines de fois durant son apprentissage. Je soupirais une nouvelle fois et tentais de me concentrer sur le fichier que j'avais sous les yeux.

Lorsque le téléphone sonna, je bondis sur mon fauteuil et tendis la main pour attraper le téléphone, mais ce dernier avait disparu de sa base. Encore un coup de Thomas pour m'obliger à travailler.

Ce gamin était en train de devenir un tortionnaire.

De l'autre côté de la boutique, j'entendis la voix de Thomas qui avait décroché.

— Fleuristerie Pour un bouquet de fleurs, bonjour.

Un bref échange s'ensuivit avant que je n'entende la phrase libératrice.

— Ne quittez pas, je vous le passe.

Le temps qu'il arrive dans mon bureau, un large sourire goguenard illuminait mon visage. Thomas me lança un regard noir tout en me tendant le téléphone.

— Madame Renis pour toi.

Je pris le combiné et avant que Thomas ne soit complètement sorti du bureau je m'exclamais.

— Gwenn ! Ma sauveuse !

Je n'avais pas besoin de voir le visage de mon vendeur pour savoir qu'il levait les yeux au ciel. Le voir secouer la tête de gauche à droite me donnait une assez bonne idée de la tête qu'il tirait.

À l'autre bout de la ligne le rire cristallin de Gwenn se fit entendre.

— Eh bien, un tel accueil pour un simple appel. À quoi est-ce que je te permets d'échapper ?

— Au harcèlement de Thomas. Lorsque tu as appelé, il s'apprêtait à me sauter dessus.

Elle éclata à nouveau de rire.

— Alors là je ne te crois absolument pas. S'il y en a un dans cette boutique susceptible de sauter sur l'autre c'est bien toi.

— Désolé pas mon genre.

— Parce que tu as un genre défini toi maintenant ?

J'éclatais de rire à la pique. Gwenn me connaissait bien.

— Alors ça c'est cruel.

— Mais vrai.

— Je ne relèverai même pas. Bon, à part m'appeler pour te payer ma tête...

— Ce qui est toujours un plaisir, glissa-t-elle.

Je levais les yeux au ciel mais continuais, l'air de rien.

— Je suppose que tu voulais également me parler d'autre chose ?

— Oui mon bon monsieur. À la base je t'appelais pour le travail.

— Que puis-je faire pour toi ?

— Eh bien pas me vendre de la charcuterie en tout cas.

— Mais quel esprit, quel humour ! m'exclamais-je.

— Oui, je suis au meilleur de ma forme avec toi. Plus sérieusement, j'organise un vernissage dans trois semaines.

— Quel genre d'artiste ?

— Peinture. Il a un style très réaliste.

— D'accord. Tu voudras qu'on parle de ce que tu veux ce soir ?

— Plutôt demain pour déjeuner si tu es dispo. Je ne serai pas avec vous ce soir.

— Zut, sans toi la soirée ne sera pas pareille. C'est toi la plus drôle des deux dans le couple.

Gwenn éclata de rire.

— Je te préviens ce sera répété, amplifié et déformé.

— Même pas peur. Bon je note qu'on déjeune ensemble demain. On se retrouve au Sirroco pour midi ?

— Ça marche. À demain alors.

— Oui, je te raconterai la soirée de débauche que l'on aura passée avec ton copain.

— J'y compte bien, répondit-elle en rigolant avant de raccrocher.

Reposant le téléphone sur sa base, je tournais mon regard sur l'écran d'ordinateur et le fichier maudit des stocks ; bien décidé à en venir à bout. Concentré et motivé, ça ne prit que quarante-cinq minutes pour tout boucler.

Enfin libéré de mon calvaire personnel, je retournai dans la boutique et passai le reste de la journée à m'occuper des clients et me venger de Thomas et de son sadisme naissant.


Pour un bouquet de fleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant