Chapitre 54:

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- T'es pas sérieuse là? continuai-je de hurler.

Elle ne me répondait pas, arborant un sourire satisfait. La garce savait que je pensais pouvoir rentrer chez moi à n'importe quel moment pendant le temps que je voulais, mais elle avait préféré attendre que je prenne complètement mes fonctions pour briser cet espoir en un claquement de doigts. Et moi qui pensait la dégoûter en prenant son travail, voilà qu'elle me condamnait à rester éternellement loin de ma famille.

Je me jetai sur elle, furieuse. Je voulais lui arracher son sourire condescendant, je voulais lui faire comprendre que même si la douleur était inconnue dans ce monde, ça ne m'empêcherait pas de lui crever les yeux.
Évidemment, je n'avais pas pris en compte le fait qu'elle puisse se déplacer instantanément. Je n'arrivais pas à l'attraper, ce qui me rendait de plus en plus folle de rage.

Alertés par mes cris de colère, Alek, les gargouilles et Alessandro se précipitérent dans la salle des archives. Comme je ne pouvais pas atteindre la Remplaçante directement, je lui jetai toutes sortes de choses qui me tombait entre les mains. Alek m'arrêta, ne sachant pas quoi faire d'autre. Il ne savait pas ce que je venais d'apprendre. Il ne savait pas que cela ne servait à rien qu'il soit venu jusqu'ici. Il ne se doutait pas que j'étais coincée ici pour l'éternité, ou que je mourrais rapidement si je restais trop longtemps dans le Monde des Vivants.

Owen... Felix..

Je n'arrivais pas à comprendre que je ne pourrais plus les voir dès que j'en aurais envie. Que je ne vivrais plus avec eux. Owen ne me coiffera plus les cheveux, que j'avais gardé long pour lui faire plaisir. Felix ne me racontera plus ses blagues idiotes. Je ne les verrais plus se chamailler pour un oui ou pour un non. Je ne pourrais plus rire avec eux, me mettre en colère contre eux, pleurer pour eux. Je ne pouvais plus rien faire avec eux, maintenant que j'étais la Gardienne des Souvenirs.

- J'aurais préféré mourir pour de vrai et tout oublier... murmurai-je pour moi-même.

Alek m'entendit et écarquilla les yeux. Il se saisit de mes épaules et me tourna face à lui, abasourdie par ce que je venais de dire.

- C'est.. c'est une mauvaise blague hein? essaya-t-il.

Je baissai simplement la tête. Je ne pouvais pas lui mentir en lui disant que oui ce n'était qu'une blague de mauvais goût, et je ne pouvais pas non plus lui dire que c'était bel et bien ce que je pensais. Pas après nos retrouvailles. Mais que pouvais-je bien faire? Je ne pourrais plus vivre avec mes frères. C'était ces mots qui envahissant mon corps tout entier, engloutissant ma joie, mon bonheur et mes rires.

Plus que de ne pas pouvoir vivre sans eux, je ne savais pas le faire. Pour moi, vivre, c'était vivre avec eux. Sans eux, je ne savais plus comment le faire. Nous avions tout surmonté ensemble. Le maître et sa maison, les orphelinats et les foyers, les flics et les saisons. Même s'il n'y avait rien de tout ça dans le Monde Oublié, comment vivre sans Owen et Felix? Comment vivre sans ceux qui m'ont appris à goûter la vie avec bonne humeur?

- Pourquoi tu dis ça Rika? Alors que, alors que je t'ai enfin...

- Je ne peux plus vivre avec mes frères! Je ne peux plus partir d'ici... criai-je en larmes.

Le visage du jeune roi se décomposa graduellement. Celui d'Alessandro aussi.

L'italien se doutait bien que pour lui, c'était fini, je le savais. Il était mort, et même si je l'avais sauvé  de l'amnésie complète, il savait qu'il ne serait pas ressuciter comme Alek essayait de le faire pour moi. Parce que personne dans le Monde des Vivants ne l'aimait au point de presque se donner la mort pour le sauver. Si Valentina était encore en vie, peut-être aurait-il eu une chance. Elle était morte depuis belle lurette, il ne se faisait pas d'illusion. Par contre, il avait espérer pour moi que je puisse retourner auprès de ceux que j'aimais. Pour lui je le méritais : je pouvais le voir dans son esprit.
Quand est-ce que mon don c'était remis à fonctionner?
Il me voyait si gentille, surtout parce que je l'étais avec lui alors qu'il m'avait enlevé, fait comprendre qu'il boirait bien mon sang et qu'occasionnellement je risquais de faire le paillasson ensanglanté au pied du trône du Roi des Vampires, et mise droit sous les crocs de son père, ce qui m'avait mené ici. Pourtant, je ne lui en voulais pas le moins du monde. Aucun mot que je n'avais dit, lui avait fait comprendre que je le détestais, pas même un minimum, et il avait bien analyser chaque phrase que je prononçais, peut-être avec l'espoir d'y déceler une infime rancœur envers lui. Je devinais qu'il cherchait à se donner bonne conscience. Il aurait trouvé cela plus simple si je lui en tenais rigueur. Malheureusement pour lui, ce n'était pas dans ma nature, et dans l'instant présent j'étais plus préoccupée de ne plus pouvoir voir mes frères plutôt que par sa bonne conscience.

L'Ange RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant