Chapitre 57:

3.1K 293 110
                                    

Malgré que la pièce se remplissait d'eau, j'étais heureuse. Pour deux raisons. D'abord parce qu'Alek ne me détestait pas, et je pense que de mes deux raisons, celle-là était la plus importante. La seconde raison était qu'il ne m'aimait pas comme un homme aime une femme, mais plutôt comme un homme aime sa sœur. Ce genre de relation, qu'on a avec quelqu'un qu'on aime d'un amour avec un grand A, ce n'était pas vraiment mon fort, et surtout, je ne savais pas comment aimer quelqu'un d'autre que mes frères, et d'une façon différente qui plus est.
Finalement, "aimer" était une chose bien compliqué, avec plusieurs facettes que je ne comprenais pas forcément.

Une sensation de froid recouvrit la peau de mon ventre, et un frisson hérissa les poils de mes bras. L'eau attegnait déjà mon nombril, et les muscles de mon ventre se contractèrent en sentant l'eau gelé envelopper toutes les cicatrices de mon abdomen. La plus grosse cicatrice que j'avais, et la plus douloureuse après celle de mon épaule se trouvait ici, en forme de croissant de lune, entourant le côté gauche de mon nombril. Elle aurait pu être jolie si j'avais eu de meilleurs soins, mais la cicatrice n'était qu'une peau boursoufflée par les traces de vieux points de suture fait avec les moyens du bord. Pas trop terrible. J'étais restée une semaine inconsciente après qu'on m'ait ouvert le ventre. Si cela n'avait pas été le cas, cette blessure aurait été la plus douloureuse de toutes celles que j'avais eu au cours de mon "séjour" chez le maître. Un sourire amer étira mes lèvres. Je ne me souvenais pas de la raison pour laquelle le maître m'avait fait ça. Je ne me souvenais même pas d'où ou comment il me l'avait fait. La seule chose dont je me souvenais était que j'avais extrêmement faim depuis plusieurs jours, alors que je mangeais comme d'habitude. Ce n'était pas une effervescence de nourriture, mais je ne mangeais pas moins. Pourtant je n'avais pas l'impression de manger. Un vague souvenir me rappelait que le maître avait dit vouloir faire ça parle que j'étais malade. Quel était l'intérêt d'éventrer un enfant malade?

- L'eau monte vite, fit remarquer Alek.

Je hochai nerveusement de la tête. Parce que le souvenir du maître ne me rassurait pas, mais la montée de l'eau m'inquiétait de plus en plus. Alek aussi était encore plus nerveux que tout à l'heure, après tout, l'eau remplissait rapidement l'étroite et petite pièce dans laquelle nous étions. En levant les bras, je pouvais toucher le plafond. Ce n'était pas la vitesse à laquelle montait l'eau qui m'inquiétait tant que ça. Nous étions encore dans le Monde Oublié, non? Nous ne pouvions pas ressentir la douleur d'une noyade, pas vrai? Je n'en étais absolument pas certaine, et c'était justement ce qui ne me rassurait pas du tout. Dans cette pièce nous ressentions à nouveau la douleur, même la plus légère, alors pourquoi ne pourrait-on pas ressentir le manque d'air? Le jeune vampire se décala sur le côté, m'entraînant avec lui de part nos avants-bras liés et je me souviens qu'il n'était pas humain. Lui, il pouvait retenir sa respiration un très très long moment, comparé à moi et mes pauvres poumons d'humaine. Si nous pouvions nous noyer, je finirai asphyxiée avant même qu'Alek ne ressente une pointe de difficulté à retenir sa respiration.

Un bruit sourd et puissant retentit, et nous levâmes la tête. Le grondement qui suivit sembla se balader sur le plafond, jusqu'à arriver au trou par lequel l'eau s'écoulait : le jet redoubla d'intensité, et nous aspergea brusquement. Sous sa force, je pliais les genoux, surprise. Si le jet d'eau avait été plus fort, je ne serais pas simplement cloué sur place. J'aurais perdu la moitié de mon visage, sous la projection brutale de l'eau. À défaut de ne pas perdre la tête, j'étais incapable de me sortir de sous le jet. De toute façon, pour aller où? La Remplaçante nous avait déconseillé de faire demi-tour, donc nous étions obligés de laisser l'eau nous submerger, pour espérer retourner dans le Monde des Vivants. Je serrais la main d'Alek. Je commençais à avoir mal à la nuque, à essayer de tenir debout à l'encontre de l'eau. Je mis ma main libre au dessus de mon lit, afin de prendre une grande et longue inspiration. Une petite pression de mes doigts sur ceux d'Alek, et il comprit ma manœuvre. Il prit lui aussi une grande inspiration, moins longue que la mienne, et tira sur mon bras pour essayer de se rapprocher de moi. Puis je relachai mes jambes en même temps que lui. Nous nous enfonçâmes d'un coup sans l'eau et le jet perdit de la vigueur sur ma nuque. Il en perdit tellement que je crus qu'il s'était arrêté, et qu'il resterait peut-être umencore une bulle d'air dans la pièce pour que nous puissions reprendre notre respiration par moment. Je vis rapidement que je me trompais. Si l'écoulement de l'eau s'était arrêté, c'était parce que chaque coin et recoin de la pièce en étaient comblés. Si j'avais pu soupirer, je l'aurais fait longuement.

L'Ange RougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant