14e Bougie : De nouveaux amis

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          L'ambulance suivait docilement l'imposante berline noire à travers le chemin de gravier. Pelotonnée dans cette dernière, Lola scrutait les trois hommes dans l'habitacle avec circonspection. Assis à ses côtés, son éternel garde-chiourme conservait les bras croisés et l'air aussi fermé qu'un gardien de prison. Devant elle, l'agent de sécurité qu'elle avait soigné à l'hôtel de ville de Paris lors de l'attentat ; un certain Mike Wilkes, recruté par Sébastien. Enfin le conducteur, présenté juste comme « Kiryu », un métis japonais recommandé par Mike. Ils lui avaient tous montré le plus grand respect et la surprotégeaient comme une poupée en porcelaine, de quoi la rendre folle...

          Comme elle ne voyait Mike qu'à travers le rétroviseur, elle préféra se concentrer sur les deux autres. Ils portaient tous une oreillette, car un quatrième larron avait pris position dans l'ambulance derrière eux, chargée de transporter sa mère. Dès que Sébastien était revenu de sa sortie, une ride creusée au milieu du front, elle avait compris que les ennuis commençaient. Il marmonnait des paroles sans suite, mais le mot « déménager » apparaissait le plus souvent.

– Où sommes-nous ?

           Ils venaient de franchir un portail rutilant et roulaient sur une immense allée blanche qui menait à un vrai manoir. Le visage fermé de Kiryu et l'air désintéressé de Mike l'amenèrent à fixer un Sébastien aussi inexpressif que ses petits camarades. Ils allaient la rendre folle...

– D'accord. Vous avez conscience que je peux vous faire vivre un véritable enfer, n'est-ce pas ?
Lourd silence.
– Mike ! Je t'ai sauvé la vie ! Tu me dois au moins une réponse !

           Le pauvre homme ainsi interpelé s'agita sur son siège, vraiment mal à l'aise. Il jeta un regard vers Sébastien qui serrait sa mâchoire à s'en blanchir les joues.

– Désolé, mademoiselle, nous sommes...
– Tais-toi, Wilkes.

          La voix sèche de Sébastien fit bondir Lola et elle lui aurait sans doute arraché les yeux, si la voiture ne s'était pas arrêtée devant les escaliers du perron. Un homme en costume trois-pièces ouvrit la portière de son côté et s'inclina, une main dans le dos.

– Si mademoiselle veut bien se donner la peine...

           Passablement énervée et impatiente, elle descendit de la berline d'un geste brusque qui trahissait son agacement. Derrière elle, Sébastien lâchait quelques mots à Mike avant de la suivre en silence. Invitée dans la demeure, elle salua distraitement le majordome qui ouvrit la lourde double porte en bois. Cet endroit paraissait aussi sécurisé qu'un coffre-fort et Lola commença à comprendre qu'un élément inquiétait assez Sébastien pour l'amener ici. Or forcer « monsieur Oster » à réagir à ce point trahissait un adversaire déterminé et puissant. Elle se surprit à frissonner quelque peu. Voilà pourquoi il ne tenait pas à l'informer...

– Voici votre suite. Monsieur Oster sera à côté.

           L'agent de sécurité qui la guidait depuis son arrivée s'effaça pour lui permettre d'entrer dans un petit salon décoré avec élégance. Elle qui s'attendait presque à découvrir des meubles Louis XV fut bien étonnée de n'y voir qu'un bel assemblage récent, voire moderne.

– Le repas sera servi dans une heure. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez pas à utiliser la sonnette. Bonne installation.

           L'homme s'inclina une fois encore avant de refermer derrière lui avec style. Lola vrilla son regard dans celui d'un Sébastien aussi calme et impassible que durant tout le trajet. Une joute oculaire sans merci commença alors entre eux, jusqu'à ce qu'il soupirât d'un air désespéré.

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