55e Bougie : Avis de tempête

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         Le silence et les regards furtifs omniprésents, à l'intérieur de l'avion privé, transformaient l'ambiance en un no man's land en zone occupée. Seule Mei, la jeune chinoise, souriait de bonheur de quitter son pays natal pour découvrir le monde. Mais, par corollaire, elle était devenue la raison et le sujet du conflit de ses nouveaux compagnons de voyage. John Smith, l'envoyé présidentiel, s'était opposé à l'emmener, contrairement à Sébastien qui se voyait mal refuser la demande de celle qui lui avait sauvé la vie. Face à eux, Lola et Ayoub se sentaient obligés de calmer l'un ou l'autre en fonction des besoins.

          Pour l'heure, personne n'osait plus parler. Certains boudaient, d'autres réfléchissaient...

– Crois-tu qu'ils vont être de mauvaise humeur encore longtemps ? chuchota le médecin à Messiah, assise à ses côtés.

          Cette dernière hocha la tête, distraite, ses yeux sombres fixés sur l'objet de la plupart de ses pensées depuis leurs retrouvailles : Sébastien, le regard perdu à travers son hublot, semblait toujours plus éloigné d'elle.

– Ils ne s'appréciaient déjà pas, avant, cela ne changera pas grand-chose, répliqua-t-elle plus bas.

          Affrété exprès par le gouvernement français pour leur retour, l'avion proposait plusieurs larges sièges avec une table entre eux et un espace salon de l'autre côté. Vautré dans un gros canapé, Oster paraissait quitter la Chine à contrecœur.

– Et quand allons-nous parler des raisons de sa perte de mémoire ? relança Ayoub.

          Il ne manquait pas de bonne volonté, juste de discrétion. À peine sa question posée, l'oreille aiguisée de Smith se tendit vers eux, à l'affut de la moindre information. Lola échangea un regard avec Mei qui la fixait comme... le messie. Derrière elle, toujours indifférent, Sébastien continuait de contempler les nuages. Elle soupira d'un air fataliste et décida de répondre à côté.

– Une fois arrivés sur Paris.

          Bon gré, mal gré, son nouvel ami grimaça avant d'admettre sa défaite. Il lança aussitôt une discussion animée avec la jeune Chinoise, ravie de pouvoir converser avec l'unique personne qui savait s'exprimer dans sa langue.

          Lola avisa les cumulo-nimbus au-dehors et les imagina se transformer en autant d'oiseaux gigantesques, capables de suivre leur avion dans le ciel. Tout sauf réfléchir à ses actuels problèmes...

          L'habitacle entièrement sombre lui permettait enfin de respirer

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          L'habitacle entièrement sombre lui permettait enfin de respirer. Il pouvait à nouveau regarder autre chose que ce fichu ciel. De sa démarche silencieuse, il se faufila jusqu'aux fauteuils inclinés où dormaient les deux femmes à poings fermés. Sa main glissa malgré lui sur la joue de Lola avant de se retirer presque aussitôt ; le crissement caractéristique de la porte communicante l'avertit du retour de cette tête à claques de Smith. Au mépris du manque de lumière, leurs yeux réussirent à se trouver et ils échangèrent quelques éclairs de haine farouche.

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