41e Bougie : Gaël arrive

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          Ses pas rythmés sur le bitume s'arrêtèrent brutalement face à l'immeuble moderne le plus connu au monde. Sur sa devanture s'étendaient de grands panneaux publicitaires, tels des oriflammes moyenâgeux où s'affichaient une photo de Lola, souriante. En gros, son logo « Messiah » affichait la couleur : il regardait son quartier général.

          Gaël reprit son souffle après une seconde d'apnée involontaire. Se tenir là, sur la place noire de monde, où tous criaient, mais se sentir seul face à son destin. L'impression d'être unique persistait encore quelque seconde, avant de disparaître dans les limbes. Un coup de coude, suivit d'un pied écrasé, confirma l'homme qu'il ne se tenait définitivement pas seul face au bâtiment. Il demanda à ceux autour de lui de bien vouloir faire attention, de le laisser passer, mais rien n'y fît.

– Mais qu'est-ce que c'est que ce binz ? grommela-t-il.

          Il commençait mieux à comprendre la dernière remarque de Sébastien quant à sa capacité à atteindre le hall d'entrée. Le salaud ! « Professeur X » avait accepté l'entrevue entre Lola et lui, uniquement s'il parvenait jusqu'à la secrétaire. Encore fallait-il déjà pouvoir s'approcher de l'immeuble !

– Rhaaa, c'est pas vrai ! J'me suis bien fais avoir !

          Impossible d'user de subterfuge officiel pour l'atteindre, en plus. Il avait juré le faire seul et sans aide. La bonne blague ! Il aurait vraiment du se méfier par la facilité manifeste avec laquelle son ancien collègue avait accepté cette rencontre.

– Hiiii ! Regarde ! Regarde ! Il est lààà ! hurla une gamine non loin.
– Ouiii ! C'est luiii ! Sébastieeeeen ! Houuuuu ! tonitrua sa copine à côté.

          Comment ça « Sébastien » ? Cet imbécile, aussi, possédait des fans ? Pas croyable ! Gaël pivota son regard vers les portes vitrées du bâtiment, pour voir Oster se tenir sur le perron, entouré d'une quinzaine de gardes du corps. Il riait, hilare. Il l'avait vu dans la foule ! Il se foutait de sa tête !

– Sérieux ? Tu veux jouer à ça ? Tu l'auras cherché...

          Le responsable informatique du bureau dégaina son cellulaire et choisi dans ses contacts « Professeur X » qu'il appela. Comme prévu, l'autre décrocha, toujours la banane aux lèvres.

« Bha alors, tu galères ? » ricana Sébastien au bout du fil.
– T'as conscience que je possède une arme contre toi, hein ?

          Silence gêné. Malgré la distance, ou peut-être car il le connaissait bien, il le vit froncer les sourcils.

« De quoi tu parles ? »
– Devine.

          Gaël profita de sa distraction pour se rapprocher des groupies qui mouillaient leurs culottes pour cet imbécile et leur tapota l'épaule, avant de leur montrer son portable. D'abord craintives, il leur fit signe de juste écouter sa conversation. Elles hésitèrent bien une seconde et se regardèrent, perplexes, mais au vue de la teneur de la discussion qui suivît, elles oublièrent aussitôt leur peur.

– T'as pas trouvé, Seb ? Pourtant, t'es censé tout prévoir pour éviter à Messiah des ennuis, hein ?

          Les gamines le dévisagèrent avec de gros yeux, avant de hurler à nouveau. Leurs cris l'empêchèrent d'entendre le juron lâché par son ami, mais il savait déjà qu'il avait compris ses intentions. Moins d'une minute plus tard, une dizaine d'agents l'entouraient et l'invitaient à les suivre. Hilare à son tour, Gaël se rapprocha de Sébastien, très fier de lui. L'autre le foudroyait bien du regard, mais après tout, il avait commencé le premier !

– Bha alors ? T'as renoncé bien vite, dis-moi, gloussa-t-il.
– T'es malade ? C'est mon numéro privé ! explosa Oster.
– Justement, Prof. Ça t'apprendra à vouloir me piéger comme un vrai gosse ! Non mais t'as quel âge ?

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