20e Bougie : Manque de confiance

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          Assise à la table de jardin de la terrasse du manoir Markford, Lola laissait son regard traîner vers tous les ouvriers venus réparer les dégâts du dernier assaut. Telle une fourmilière géante, tout ce petit monde s'activait du matin au soir afin de combler les trous géants provoqués par les tirs de mortiers. D'autres éléments se retrouvaient améliorés ou renforcés afin de consolider la sécurité des lieux... Tout cela à cause d'elle.

          Un long soupir s'échappa de ses lèvres tandis que d'un geste mou elle piquait un morceau de gaufre sucré d'une petite fourchette à dessert en argent qui termina sa course dans sa bouche. Depuis deux jours, elle passait tout son temps de libre à manger, surveillée comme du lait sur le feu par une batterie de gardes du corps menacés d'une mort certaine par Sébastien s'ils la quittaient des yeux une seconde. Il avait même trouvé la seule femme embauchée par Markford dans la sécurité pour la coller à ses basques en mode « vous la suivez jusqu'aux toilettes ! »...

          Au moins vingt personnes mobilisées pour la regarder s'empiffrer de gros gâteaux... Comment ne pas avoir envie de hurler contre Austère ? Ce type arrogant et borné n'avait rien voulu écouter à ses explications. Il s'était contenté de lui gronder dessus tel un bulldog avant de la museler, l'enchaîner et lui attribuer une panoplie de gardes digne d'un président républicain en fonction. Quoi que même Macron ne devait pas se trimballer avec autant de monde derrière lui ! Tout cela relevait du ridicule.

– C'est si désagréable que cela ? questionna une voix rauque dans un souffle.

          Plongée dans ses pensées, Lola répliqua comme s'il s'agissait d'une question de sa conscience, sans même comprendre qu'elle s'adressait à Hubert Markford à peine arrivé à ses côtés. Ni qu'ils parlaient tous les deux de choses différentes...

– Évidemment ! À croire que je suis un chien !

          Le propriétaire de la maison ouvrit de grands yeux étonnés et s'attabla à son tour non sans requérir son petit-déjeuner d'un signe de la main. À ce moment-là, Lola émergea de ses réflexions et se mit à rougir d'embarras. De quoi parlait-il ? Et grand dieu, pourquoi avait-elle répondu cela ?

– Euh... Pardon, je... En fait, je songeais et... bref... Quelle était votre question déjà ?

          À sa grande surprise, monsieur Markford émit un petit rire amusé qui ne reflétait aucune intention désagréable ou sarcastique. Il avait rapidement saisi ce qui énervait autant la jeune fille, il faudrait être bien idiot pour ignorer qu'avec Oster, ils se comportaient comme chien et chat.

– Vous vous remettez de votre frayeur de l'autre nuit ? demanda-t-il poliment.
– Euh... Oui. Enfin... Je mange bien, alors ça ira pour votre fils, bafouilla-t-elle en réponse.

          Elle piqua un autre fard embarrassé dans son assiette qu'elle termina en trois coups de fourchette bien placés afin de se donner une contenance.

– Je tenais à m'excuser, mademoiselle.

          Un sursaut de surprise fit tressaillir la table en fer forgé sous l'expression amusée du vieux monsieur face à elle. Lola se sentait déjà misérable pour ce début de conversation ratée, encore plus pour sa manière déplorable de s'exprimer, mais si son hôte s'amusait à la surprendre, son cœur ne tiendrait pas !

– Vous... Vous excuser de quoi ? Je ne comprends pas...
– J'avais estimé que vous faisiez partie intégrante d'un coup monté afin d'envahir ma demeure de l'intérieur et obtenir une excuse pour me faire tomber. En un mot, je ne croyais pas une seule seconde les affirmations de Sébastien Oster, mais j'espérais qu'en jouant le jeu, je vous démasquerais plus vite... Mais suite à l'autre nuit...

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