54e Bougie : Reflets

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          Seuls, ils s'observaient sans rien dire depuis une dizaine de minutes. La chambre d'hôtel, véritable suite luxueuse, comptait qu'un grand lit, une salle d'eau et un salon. Assis à la table ronde, Sébastien dardait sur Lola ses yeux verts, pensifs. Depuis ce matin, tout s'enchaînait trop vite pour lui : Mei qui le tirait dehors, sa rencontre avec la Lola qu'il cherchait au stade et son arrivée ici, dans un lieu inconnu, avec une femme dont il ne se souvenait plus. Elle le connaissait, l'avait appelé par son prénom, elle pleurait, même... Lui, rien.

          Sébastien avait retrouvé son identité facilement. Le reste demeurait dans l'ombre. Lola lui avait bien expliqué les dix derniers mois avec ferveur, il avait eu l'impression de vivre à travers les yeux de quelqu'un d'autre. Il se sentait frustré, déçu et...

– Vous avez fait des rêves bizarres ?

          La question sortait de nulle part et le déstabilisa ; non pas sur son contenu, mais pour sa forme. Il répliqua avant même d'avoir réfléchi :

– Depuis quand me vouvoyez-vous ?

          Le sourire qu'il reçut en réponse confirma qu'il venait de réagir comme il l'aurait fait avant.

– Eh oui, d'après les Han, j'ai fait pas mal de cauchemars. Je me souviens aussi de certains trucs étranges... Pourquoi ?

          Il la vit détourner son regard, croiser ses jambes, soupirer, poser sa tête dans sa main, se remettre dans sa position initiale, le fixer un moment sans rien dire, avant de baisser les bras et répondre d'un air fataliste.

– J'ai l'impression que tu vas me prendre pour une folle, chuchota-t-elle.
– Pourquoi ?

          Il voulait savoir. Non. Sébastien avait besoin de savoir. Tout son corps devenait fébrile, sans doute car il espérait des réponses à toutes les interrogations qu'il se posait depuis son réveil. Pour une raison qu'il expliquait mal, il avait autant envie de la prendre dans ses bras que de l'étrangler, d'ailleurs... Qu'aurait fait son « moi » du passé ?

– Depuis notre... séparation... j'ai appris certaines choses... et...

         Elle hésitait, se tortillait sur elle-même, passait sa main dans ses cheveux, pâlissait... À la fois fragile et anxieuse, un sentiment se mit à germer en lui et il décida d'écouter son instinct. Sébastien atteignit le canapé d'un bond, la souleva sans effort avant de l'asseoir sur ses genoux et de la prendre dans ses bras. Il l'obligea même à poser sa tête contre son épaule et ferma les yeux. Il se sentit soudain mieux... Bordel, il se fichait bien des raisons !

          De son côté, Lola venait de se figer tout entière, indécise. Elle ne s'attendait pas à une réaction pareille ! Quelle était la marche à suivre en de pareilles circonstances ? La jeune fille attendit donc de voir ce qu'il comptait dire ou faire, mais il conservait les paupières closes, un bras sur son front. Il dormait ou elle rêvait ? Elle essaya bien de se redresser, mais le bras passer autour de ses épaules se resserra aussitôt, ce qui l'empêchait de partir de là ou même changer de position. Aucun doute, il avait certes perdu sa mémoire, mais le subconscient de Sébastien fonctionnait très bien.

          Lasse, elle finit par laisser aller sa tête contre son épaule. Dans sa position, elle pouvait observer les toits brillants des immeubles de Nanning, éclairés de rouge-orangé par le coucher de soleil. La ville paraissait flamboyante et calme. Tout semblait à nouveau en ordre... Sa tension se relâcha d'un coup. C'était terminé : elle était sauve, Sébastien la tenait, ils rentreraient bientôt en France...

          Ses larmes inondèrent rapidement la chemine que John avait gracieusement prêté à son vieux rival. Voir Smith interloqué par la politesse d'Oster envers lui avait bien fait rire la jeune fille.

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