Messiah

16e Bougie : De nouveaux ennemis

« ... Nous sommes devant l'hôpital de la Pitié Salpêtrière dans le 13e arrondissement de Paris, où une foule très importante s'est rassemblée. Il semblerait que le piratage massif effectué avant-hier et qui a révélé l'existence d'une patiente miraculée soit la cause de ce rassemblement. Le Directeur Morel doit s'exprimer d'ici une dizaine de minutes et tout le monde semble attendre son intervention avec une grande impatience. »

          La reporter disparut dans un fondu et laissa place aux deux présentateurs du journal télévisé qui souriaient d'un air un peu forcé.

« En attendant le discours du Directeur Morel de l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, un rapide détour par... »

           La télévision s'éteignit d'un coup. Lola soupira avant de tourner la tête vers l'origine de cette coupure. Sébastien tenait encore la télécommande dans sa main, le visage dur dirigé vers elle. Il semblait fâché et harassé au point où elle sentait venir le sermon impossible à éviter.

– Vous tracasser avec le monde extérieur n'est pas une bonne idée, je vous l'ai déjà dit.
– Oui, oui...
– Vous me dites « oui, oui » mais dès que je vous laisse seule, vous n'en faites qu'à votre tête !
– Arrête de me vouvoyer déjà et j'arrêterai peut-être de te désobéir ! lança-t-elle, boudeuse.
– Vous avez oublié votre promesse ?

           La jeune fille déglutit et se renfrogna aussitôt. Dès que la conversation tournait au désavantage de Sébastien, il remettait ce sujet sur le tapis. Avant que toute cette histoire ne commençât, elle lui avait promis certaines choses et il prenait toujours un malin plaisir à le lui rappeler. Face à son silence, il esquissa un léger sourire amusé.

– Votre mère vous attend dans le jardin. Respirer l'air pur vous fera le plus grand bien.

           Elle soupira encore une fois, assez fort pour détruire une maison de paille.

– Si je comprends bien, tu vas m'empêcher d'écouter le discours du directeur et tu feras tout pour me tenir loin des informations en général ?
– Exactement.

            Sébastien ne semblait pas avoir honte de sa réponse catégorique et nette. Lola déduisit sans peine qu'il resterait inflexible à ce sujet et se laissa emmener dehors sans plus de protestation. Sur le chemin, de nombreux gardes du corps se relayaient, tous supervisés par Mike, le nouveau chef de sa sécurité – sur décision de « monsieur Austère » bien sûr.

         L'impression tenace d'être un oiseau en cage faisait bouillir la jeune fille. Et l'instant d'après, la discussion avec monsieur Markford revenait à sa mémoire...

– Seb ?
– Hmm ?

          Il la suivait à deux pas derrière elle, aussi silencieux qu'une statue. Sa manière de la surveiller comme une mère poule avec sa progéniture l'avait rendue mal à l'aise les premiers jours, avant de réussir à s'en faire une raison.

– Quelqu'un a déjà essayé de venir me chercher ?

           Ils descendaient les larges escaliers qui menaient au hall d'entrée et si la question surprit son garde-chiourme, il n'en montra rien. Sa réponse, par contre, ressemblait à un chuchotement quasi inaudible qu'elle seule pouvait percevoir.

– Oui.

          Le cœur de Lola fit un bond dans sa poitrine. Sa main vola jusqu'à lui qu'elle serra en un poing appuyé contre.

– Des blessés ? souffla-t-elle.
– Rien qui ne mérite votre inquiétude.

          Autrement dit « oui, mais il refusait son aide »... Elle prit la direction de la porte qui menait au jardin sous les regards inclinés des quelques serviteurs qui passaient par là. Tous les employés de monsieur Markford la traitaient en vraie princesse et la vouvoyaient à tel point qu'elle avait l'amère sensation d'avoir changé d'époque. Heureusement, Maria s'occupait d'elle avec entrain, bonne humeur et avait accepté de la tutoyer en privé. Sa vie prenait un tournant étrange...