17e Bougie : Question de confiance

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         Sébastien resta sans voix durant plusieurs longues et douloureuses secondes. Son cerveau essayait de comprendre avec ce retournement de situation qu'il n'aurait jamais pu prévoir. Qui prédirait qu'un fils caché de Markford viendrait semer le trouble dans ce plan de base si parfait ? Il fallait toujours qu'un imbécile mît son nez dans ses affaires... Avec un sentiment proche de l'énervement, il se frotta les yeux de ses deux doigts avant de répondre à cet avocat roublard.

– D'accord. Comment ? Je ne suis qu'un invité de votre père. Expliquez-moi votre plan.

          La ruse d'abonder dans le sens de l'adversaire avant de retourner sa veste fonctionnait que dans deux cas précis. Le premier si celui en face était persuadé que vous puissiez être corrompu ou au moins trouver un intérêt à ses affaires. Le second si celui en face comportait une pathologie mentale pouvant altérer ses facultés. Du côté d'Oster, il suspectait la seconde possibilité, surtout lorsqu'il vit Marcus-Markford se mettre à rire comme un dément à sa réponse calme.

– Ah ah ah ah ! Je savais que trouver un allié imprévu à vos plans vous ferait plaisir ! Parlons affaires, mon cher ! Comment avez-vous réussi à faire croire à ce vieux schnock que votre gamine inutile arrivait à guérir un cancer ? Votre niveau d'escroquerie frôle des sommets que je ne pensais pas voir de mes yeux un jour !

          Oh ! Donc il s'agissait plutôt de la première hypothèse... Logique en un sens. Sans n'avoir jamais contemplé Lola soigner quelqu'un, cela demeurait difficile de croire en ses capacités. Mike n'avait pas été compliqué à convaincre, puisqu'il avait subi sa puissance et les trois autres gardes ont été choisis par lui ; comment les avait-il persuadés ? Mystère. Mais le voilà bien embêté lui-même face à ce type sceptique et prêt à trahir son patron. Continuer à entrer dans son jeu endormirait sa méfiance, mais l'instinct de Sébastien l'avertissait du danger d'un tel comportement.

          Autre détail d'importance qui gênait l'ancien agent qu'il était : comment Markford, même malade, aurait-il ignoré aussi longtemps l'existence d'un fils caché ? Et pourquoi le conserver à ses côtés ? Enfin, comment, avec l'instinct qu'il possédait, ce vieux singe n'avait pas remarqué ce côté avide chez son avocat ? Bon, certes, la profession tendait à cela dès qu'il s'agissait de grosse entreprise, mais...

– Tu n'veux pas me dire ? C'est si secret ou compliqué que ça ? s'impatientait Stuart.

          Non, qu'importait le sens dans lequel il le tournait, Sébastien refusait de croire que cet homme ait réussi à duper son père aussi longtemps. D'un sourire sarcastique, il se redressa et carra ses épaules avant de répondre, son regard assassin planté dans celui de son interlocuteur.

– En admettant que vous vous appeliez bien « Marcus-Markford », je refuse de croire votre père aussi aveugle que vous voulez bien l'admettre. Donc soit vous dévoilez votre jeu et il n'attendait que cela pour vous coincer, soit il vous a demandé de me faire avaler cette supercherie !

          À peine venait-il d'énoncer ses hypothèses que Stuart retrouvait un visage sérieux impassible et qu'un bruit d'applaudissement lent lui parvenait aux oreilles. Poussé par un garde du corps, le fauteuil roulant de Markford se rapprocha d'eux. Le vieil homme souriait, mais pas d'une manière très engageante, plutôt entre deux tons. Dès qu'il fut non loin d'eux, il agita ses doigts pour arrêter sa progression ; le serviteur derrière lui s'immobilisa et patienta en silence. L'avocat n'avait pas bronché, sauf peut-être remonté ses lunettes, preuve qu'il ne s'inquiétait pas plus que cela.

– Donc vous m'avez piégé...
– Oui. Déçu ? ricana Markford.
– Cela dépend de vos raisons. J'avoue ne pas trop aimer les surprises que je ne contrôle pas, râla Sébastien.
– Merci Stuart. Votre performance m'a convaincu. Avez-vous pensé au théâtre ? Ou au cinéma ?

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