Chapitre 9

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Chapitre corrigé

Eden

Ma lèvre inférieure tremble autant que mes mains et mes bras. J'ai l'impression que les sanglots m'étouffent, m'empêchent de respirer. Même les doigts d'Elena n'arrivent pas à me calmer.

Je suis tombée enceinte quand je n'avais que dix-huit ans. Le bébé était de Jacob. Quand je l'ai appris, j'ai cru que j'allais mourir. Je ne faisais que pleurer et vomir. Il n'était pas là quand je l'ai découvert, et j'ai passé ma journée aux toilettes, jusqu'à ce que j'entende les clés tourner dans la serrure. J'ai essayé de lui cacher le plus longtemps possible, mais quand une bosse est apparue au bas de mon ventre, je n'ai pas pu lui cacher plus longtemps. Sa main s'était posée contre cette bosse, et il n'avait pas bougé pendant plusieurs minutes. Je sens encore ses doigts froids sur ma peau. Puis, sa main était remontée, et elle s'était emparée de ma gorge pour m'approcher de lui.

« On va fonder une famille, Eden. »

Sa voix était froide. Un petit sourire s'était dessiné au coin de sa bouche et il s'était écarté de moi pour me contempler.

« J'ai une zone à éviter, maintenant. »

J'ai pleuré pendant des semaines. Les pires de toute ma vie. J'ai appris que c'était une petite fille, lors d'un rendez-vous chez ma gynécologue. Jacob était fou de joie, mais j'avais essayé de faire comprendre à mon médecin que quelque chose n'allait pas. J'ai fait tout mon possible pour qu'elle s'aperçoive que je me faisais battre, mais elle n'a rien vu. Elle nous a assuré que le bébé était en bonne santé. Elle m'a expliqué que les crises d'angoisse que je faisais étaient mauvaises pour le bébé et que je devais essayer de les calmer. Je n'ai rien fait du tout.

J'ai perdu l'enfant le même jour où Jacob a été arrêté. On m'a emmené dans l'hôpital le plus proche, et on a déclenché mon accouchement. Ça a été un moment de ma vie qui m'a le plus traumatisé. Je me rappelle encore de mes pleurs et de mes cris, de la main d'une infirmière dans mes cheveux qui essayait de me calmer. Étant donné que j'étais à pratiquement cinq mois de grossesse, j'ai dû accoucher par voie basse. Je me suis vue mourir dans cette salle d'accouchement. Tout s'est passé très vite ensuite. On m'a confirmé que c'était une petite fille. On l'a lavé, enveloppé dans une couverture blanche, et on me l'a mise contre la poitrine. Ma fille. Si petite. Si fragile. J'étais tellement fatiguée, je ne l'ai que très peu aperçu. J'ai pleuré comme si c'était moi le bébé. On m'a laissé mon bébé encore quelques minutes, avant de me l'enlever. J'avais l'impression que ma poitrine était vide. On m'a demandé si j'avais trouvé un prénom, je n'ai rien répondu. En fait, je n'y avais jamais vraiment réfléchit. Pour moi, j'avais encore le temps. Je n'avais pas réellement réalisé que j'allais avoir un bébé avant de le tenir dans mes bras.

« Eden, ça va aller. »

J'essuie mes joues et Elena arrête le jet d'eau. Elle garde ma main dans la sienne et m'aide à me relever.

« Tu es forte. Tout... Tout ce qu'il s'est passé dans ta vie font de toi ce que tu es aujourd'hui. Tu es quelqu'un de formidable. Tu mérites tout le bonheur du monde, et un jour, je te le promets, tu seras heureuse. »

Je hoche doucement la tête et je vais m'allonger sur mon lit. Elena me pose un drap en coton sur le ventre, et s'allonge à mes côtés, sa main toujours dans la mienne.

« Tu sais, je t'entends la nuit. Je sais que tu essayes de ne pas faire de bruit, mais j'ai le sommeil très léger. Tes pleurs résonnent dans l'appartement. Ça ne me dérange pas. J'ai juste... tellement mal quand j'entends ta douleur, souffle-t-elle d'une voix tremblante. Je sais que tu ne vas plus chez ta psychologue, mais tu devrais peut-être reprendre rendez-vous avec elle. Tu fais encore des crises d'angoisse. Est-ce que tu prends toujours tes médicaments ? »

Je me triture les doigts en fixant le plafond. Mon cœur bat douloureusement dans ma poitrine.

« Oui. J'essaye de moins en prendre, mais je n'y arrive pas. C'est de plus en plus difficile de les gérer. Mais depuis Kévin, j'ai l'impression d'être retournée au début, quand je n'étais plus avec Jacob. J'arrive de moins en moins à me contrôler, je fume beaucoup plus, je manque de sommeil. Je sais ce que tu vas dire, dis-je rapidement, mais je ne veux pas porter plainte contre lui. Mon affaire avec Jacob a déjà été trop importante, ils risqueraient de ne plus me croire. Tu penses que je dis des conneries ? rajouté-je en le voyant ouvrir la bouche pour répliquer. Pourtant, combien de femmes ne sont pas prises au sérieux quand elles portent plainte pour agression ? Combien de fois on m'a demandé pourquoi je ne suis pas partie quand il a commencé à me frapper ? Tout le monde pense que c'est facile, continué-je en essayant de calmer mes mains tremblantes. Tout le monde pense qu'il est facile de partir, mais ce n'est pas vraie. Pourquoi tant de femmes ne partent pas de leur foyer, même si elles sont battues ? Parce qu'elles ont peur. Et ça ne veut pas dire qu'elles ne sont pas courageuses. Tout le monde gère la chose différemment. Je sais que j'aurais dû partir dès les premiers signes de violence, mais je n'ai pas pu. Je ne pouvais pas, Elena. »

Ma voix se brise. Je ne respire presque plus.

« Je sais tout ça Eden, je le sais... »

Elle m'attire contre elle et me serre dans ses bras.

Ce n'est pas facile de vivre après tout ça.

He Came Back - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant