Chapitre 66

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163 jours avant.

Mains moites, cœur battant et piercing mordillé étaient des signes de nervosité évidents. J'avais fait mon possible pour ne pas perdre la face devant Niall qui m'avait conduit, mais là, seule à ma table, je n'en menais pas large.

La raison pour laquelle j'avais accepté de faire ça m'échappait encore. Il fallait croire que mon nouvellement-fiancé avait profité de mon état de bonheur permanent pour me faire faire ce qu'il voulait et me manipuler à sa guise.

Le café était clair, la lumière du milieu de journée pénétrant dans la salle peu fréquentée par les grandes baies vitrées auxquelles je faisais dos. L'endroit était d'une simplicité raffinée qui, si j'avais été plus à même d'admirer la décoration claire et épurée, m'aurait émerveillée. Malheureusement, j'étais plus attentive à mon rythme cardiaque affolant qu'à l'endroit où je me trouvais.

Mon regard croisa celui, désolé, de la serveuse qui m'avait apporté un smoothie quelques minutes auparavant. Je lui souris doucement, lui adressant un signe de tête pour lui faire comprendre que tout allait bien alors que son attitude me laissais croire qu'elle avait dû récupéré pas mal de petites-amies éplorées.

Je regardai une nouvelle fois l'horloge accrochée au mur derrière le bar et ne pu m'empêcher de laisser traîner mes yeux sur la surface boisée. Il n'y a pas si longtemps, je travaillais encore derrière l'un de ces comptoirs pour survenir aux besoin de mon fils et maintenant, j'allais épouser son père qui ne manquait de rien.

Plus jeune, le crâne bourrés de contes de fées, j'avais rêvé d'une demande en mariage grandiose, de laquelle on s'émerveillerait et qui rentrerait dans l'histoire. Un témoignage d'amour sans pareil, que l'on raconterait des étoiles dans les yeux.

Plus tard, j'avais été capable d'entendre l'histoire de mes parents. Celle-ci avait changé ma vision de l'histoire d'amour. J'avais réalisé que, parfois, les sentiments se révélaient chaotiques et bien loin de guérir tous les maux. Ils n'en avaient néanmoins jamais perdu leur aspect magique et quelque peu irréels.

Arrivée au lycée, je m'étais retrouvée face à Kay et à ses nombreuses histoires sans lendemain. Dès lors, l'amour m'avait semblé lointain, intouchable, et impossible à atteindre. Confrontée au sexe opposé dans les couloirs de différents établissements scolaires, je m'étais résolue à ne plus croire au mythe de l'histoire éternelle et au serment argenté.

Et pourtant, soudainement, je m'étais retrouvée happée dans une spirale de pensées troublées et de battements de cœur désordonnés. Je m'étais retrouvée prisonnière d'une obsession inattendue, noyée dans quelque chose de trop puissant pour moi

J'avais d'abord cru à ma propre version de la tragédie amoureuse, accompagnée du désespoir et de la destruction habituelle avant de réaliser que bien que plein de défauts, j'avais droit à mon prince charmant.

Finalement, la totalité de notre relation avait été à l'image de ce que ma mère m'avait raconté plus que ce j'avais entendu d'Andersen ou des Grimm. Tomber amoureuse, mon amour, cela reste une chute, inattendue et douloureuse. Certains choisissent de se laisser aller à l'adrénaline, d'autres s'écorchent les mains à vouloir garder la tête hors de l'eau. Depuis trois ans, je n'avais cessé de chuter, à chaque contact, chaque mot, chaque baiser.

Pourtant, lorsqu'il m'avait demandé de l'épouser, juste après la sensation de chute que j'avais inévitablement ressentie – et juste avant de m'écraser -, je m'étais sentie soulevée par un bonheur infini. Depuis je vivais comme en apesanteur.

One more tryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant