3 octobre 2017L'atmosphère effervescente qui emplissait le studio n'avait plus de prise sur Mohammed.
Autour de lui, ses amis et frères de toujours riaient, kickaient ou expérimentaient de nouveaux sons, et il se sentait étrangement extérieur à ce qu'il se passait. Enfoncé sur le canapé défoncé accolé au mur, il avait pourtant essayé de s'y mettre lui aussi, espérant se vider l'esprit, soigner ses maux par les mots. C'était d'habitude assez efficace, il était plutôt bon pour laisser s'échouer sur le papier ses joies et ses peines.Mais aujourd'hui c'était peine perdue. Les derniers mots que sa sœur et lui avaient échangé il y a quelques jours repassaient en boucle dans sa tête, et une lassitude extrême l'avait assailli au moment où Leïla lui avait fait part de ses états d'âme. Bien sûr, elle allait mieux physiquement, mais Mohammed avait compris que le chemin de la résilience était encore long et semé d'embûches.
Les médecins l'avaient laissée reprendre le travail il y a peu, mais ça n'avait constitué qu'une source de distraction temporaire. Elle était toujours craintive et à fleur de peau, sursautant au moindre geste brusque même si elle se savait maintenant en sécurité.Elle avait fini par avouer à son grand frère à quel point elle se sentait inutile, insignifiante, et lui avait réalisé à cet instant que ce qu'avait dit Jack quelques semaines auparavant se révélait juste : Les brimades psychologiques de Thomas avaient beau avoir cessé dans les faits, elles n'en avaient pas moins laissé des marques douloureuses, et celle qui était autrefois joyeuse, drôle et vive d'esprit se considérait maintenant faible, stupide et indigne d'attention. Mohammed se sentait impuissant, il ne savait plus quoi dire ou faire devant le dégoût que Leïla ressentait envers sa propre personne.
Cela le rendait fou, lui qui avait toujours voulu mettre sa famille à l'abri et préserver les siens. Il ne savait plus comment protéger sa petite sœur de sa pire ennemie, elle-même.La musique et ses amis lui avaient alors fourni un formidable échappatoire, lui permettant de laisser un temps à la porte de son esprit les problèmes familiaux qu'il peinait à régler. Mais la vision de sa sœur déambulant, hagarde, dans son appartement où il l'hébergeait pour l'instant, revenait le frapper de plein fouet dès qu'il baissait la garde, et l'inspiration s'évaporait alors instantanément, le laissant plus frustré et désorienté qu'avant.
C'était le cas en ce moment, et Mohammed ne savait plus vraiment ce qu'il faisait là, ni même depuis combien de temps il était assis à ressasser.Fidèles à eux-mêmes, ses amis avaient été très présents pour le soutenir lorsqu'il leur avait parlé des problèmes que rencontrait Leïla, mais ils devaient aussi reprendre le cours de leurs vies, continuer à écrire et travailler, et le jeune marocain rechignait ainsi à ramener encore cette histoire sur le tapis.
En outre, il sentait qu'il avait besoin d'un point de vue extérieur à toute cette situation. Il s'était enlisé là-dedans en même temps que sa sœur, mais il avait aujourd'hui besoin de réponses, d'outils pour l'aider à aller de l'avant et reprendre une vie normale. Et aussi tentante qu'avait été la proposition de ses amis d'aller défoncer la gueule de Thomas, ça n'allait pas exactement lui apporter ce qu'il recherchait.N'y tenant plus, il finit par s'extraire du canapé sous le regard interrogateur de sa bande.
- J'avance pas là, je vais prendre l'air, lâchât-il.
Les trois autres garçons présents dans la pièce hochèrent la tête. Mohammed n'avait pas besoin d'en dire plus, ils avaient compris. Alpha tenta de lui demander s'il avait besoin de quelque chose mais le claquement de la porte se refermant sur le dos de Sneaz fut sa seule réponse.
***
Jack poussa un long soupir de soulagement lorsqu'elle fit finalement glisser les bretelles de son backpack de ses épaules, pour le poser à terre sans trop de ménagement une fois la porte de son appartement franchie. Rapidement, les vingt-trois mètres carré que la jeune femme occupait se transformèrent en champ de bataille à mesure qu'elle vidait son sac à dos. Elle sourit à la vue du carton de bouteilles de single malt qu'elle avait rapporté, espérant que Mireille et son mari apprécieraient autant qu'elle la bouteille du liquide doré qui leur était destinée et qui faisait la fierté de sa patrie.
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Le second souffle • Nekfeu
FanfictionIl est des rencontres qui bousculent toutes vos convictions, qui font voler vos certitudes en éclat. Chérissez-les, parce qu'aussi éphémères qu'elles soient, elles sont assurément les plus belles. - Ken & Jack HISTOIRE TERMINÉE