8. En tête à tête

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18 octobre 2017

Yaël essuyait les larmes au coin de ses yeux provoquées par le fou-rire qui avait suivi le récit par son amie de sa soirée de la veille, et surtout de la manière dont elle avait pris fin.

En sortant en trombe de l'appartement de Mohammed hier soir, Jack avait soudainement pris conscience du double-sens qu'avaient pu avoir ses dernières paroles adressées à Ken et en avait été mortifiée.
Le grec était indéniablement charmant, mais Jack n'avait pas du tout eu l'intention de le draguer, encore moins aussi lourdement et ouvertement. D'abord, parce que s'il était plutôt mignon, sa préférence allait tout de même aux hommes grands et charpentés, type rugbyman de troisième ligne. Ensuite parce que, pour avoir vu au contact des clients du cabinets les ravages que cela pouvait causer, Jack fuyait l'exposition médiatique comme la peste, et que s'acoquiner avec la coqueluche des médias de ces dernières années était donc la dernière chose à faire pour conserver son anonymat. Elle avait d'ailleurs eu des réticences à sortir de plus en plus fréquemment en public avec Sneazz, consciente que lui aussi était assez médiatisé, mais s'était détendue lorsqu'elle avait compris que Mohammed choisissait souvent des endroits « sûrs », qu'il connaissait bien, pour leurs sessions café ou repas.

Loin des vapeurs d'alcool et des vibrations musicales, Jack avait fini la nuit dernière au poste de police, appelée pour assister un groupe de jeunes en garde-à-vue. Elle avait dû s'entretenir avec chacun d'entre eux pendant une demi-heure, ce qui avait considérablement réduit son temps de sommeil.

Sans surprise, la journée qui venait de s'écouler au cabinet avait été douloureuse, d'autant plus que la jeune femme ne pouvait s'empêcher de repenser à sa manière maladroite de dire au revoir au rappeur hier soir.
Fidèle à elle-même, Mireille avait insisté pour savoir ce qui se tramait dans la tête de la jeune femme en voyant qu'elle avait « petite mine », et avait redoublé d'attentions pour l'amadouer et lui tirer les vers du nez, lui apportant café sur café. Cela-dit, Jack n'avait pas été mécontente de l'engouement de la standardiste pour son récit, puisque les cafés de Mireille avaient été salvateurs et lui avaient permis de tenir devant son bureau comme prévu jusqu'à 21h.

Son premier réflexe en rentrant chez elle dans la soirée avait alors été d'appeler son plus fidèle compère, dans l'objectif de débriefer ces quelques heures et d'avoir un avis masculin sur la question. Jack savait que Yaël ne mâchait pas ses mots avec elle, ils avaient grandi ensemble et l'honnêteté avait toujours été la pierre angulaire de leur relation, ce qu'elle appréciait fortement. Cette franchise entre eux n'avait pas toujours joué en sa faveur, puisque celui qu'elle considérait comme son frère ne se gênait jamais de lui dire quand elle avait dépassé les limites ou quand elle merdait. Mais Jack savait aussi qu'il ne portait pas de jugement de valeur sur elle et qu'ils étaient suffisamment similaires pour que Yaël comprenne la plupart de ses réactions. Affalés, bières à la main, sur le clic-clac défraîchi qui occupait quasiment tout l'espace du minuscule studio de l'écossaise, elle avait alors entrepris de lui raconter ce moment de gêne qui aurait dû être passagère mais qui ne la quittait plus.

- Je savais bien que t'avais pas de filtre, mais là tu te surpasses ! Pourquoi tu lui a dis ça ? Demanda le jeune homme, encore hilare.

- Je sais pas, c'est sorti comme ça j'ai pas réfléchi !

- Si il faut toi t'en fait tout un bordel mais lui n'a même pas relevé.

- Vraiment ? Demanda-t-elle en haussant un sourcil, peu convaincue.

- Ouais non à mon avis t'es grillée à dix mille, mais c'est pas dramatique non plus, si ? Draguer un mec ça t'as jamais fait peur, je comprends pas pourquoi tu flippes là.

Le second souffle • NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant