2. Starting from scratch

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27 juillet 2017

Mireille se planta à quelques mètres de lui, dansant d'un pied sur l'autre, manifestement gênée. Devant le regard interrogateur de Mohammed, elle se décida finalement à prendre la parole.

- Je viens de recevoir un appel de maître Boyer, qui avait apparemment omis de vous prévenir qu'il était absent du cabinet cette semaine. Il est sincèrement désolée et il espère que vous ne lui en tiendrez pas rigueur...

C'était la meilleure ! Il avait mis des jours, des semaines à se décider à prendre ce rendez-vous, il avait même hésité à y aller, pour qu'au final le baveux ne daigne même pas se pointer. Avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, la rouquine reprit.

- Mais sa collaboratrice peut vous recevoir. Elle est très compétente, il lui confie ses dossiers lorsqu'il est absent. Bien sûr si vous préférez je peux vous fixer un autre rendez-vous avec maître Boyer, d'ici environ trois semaines ?

Mohammed observa de haut en bas la secrétaire stressée qui se tenait devant lui. Son malaise était palpable et il devinait que ce Maître machin l'avait mise devant le fait accompli, la laissant gérer son désistement face aux clients.
Il pensa un instant tout envoyer péter, se tirer de ce cabinet trop moderne et impersonnel, et aller casser la gueule à Thomas lui-même plutôt que d'espérer que quelqu'un d'autre lui vienne en aide. Mais il se ravisa, il ne pouvait pas faire ça, ça ne servirait qu'à monter Leila contre lui et à la conforter dans sa volonté de rester avec ce fils de pute.

Et puis il verrait vite si cette meuf pouvait lui être d'une utilité quelconque. Sinon, il pourrait toujours partir et ne jamais donner suite, ou bien chercher du soutien auprès de quelqu'un d'autre. Tout cela le fatiguait par avance, et confortait son idée qu'aujourd'hui était vraiment une journée de merde. Soupirant, il prit finalement la parole d'un air résigné, la raison l'ayant emporté.

- Bon, tant qu'à être là, autant en finir. Je dois attendre encore longtemps ?

La secrétaire semblait soulagée. Bien joué ma grande, tu va pouvoir dire à ton patron que t'as pas fait fuir le client, songeât-il. Elle retrouva son regard pétillant et son sourire corporate, et cela lui fit tout de même plaisir.

- Non, elle est au téléphone pour l'instant mais elle devrait avoir fini d'ici quelques minutes. Elle viendra vous chercher à ce moment là.

Il opina du chef et se plongea dans la contemplation de son téléphone, tandis que le derrière rebondi de la standardiste retrouvait sa place sur sa chaise à l'entrée. Ses réseaux sociaux et autres fils d'actualité lui donnaient mal au crâne, lui qui en était pourtant si friand d'habitude.
Il ne pouvait défaire son esprit de l'image de Leila posant un bras contusionné sur son ventre encore plat, mais qui ne tarderait pas à s'enfler pour faire de la place à la chose qui poussait à l'intérieur.
La chose. Mohammed savait que c'était ridicule et même un peu cruel mais il ne pouvait s'en empêcher. Il ne voyait en ce bébé qu'un parasite, un fardeau qui retenait sa sœur auprès d'un mec violent, au lieu d'y voir le « miracle de la vie » d'un mini-humain qui n'avait rien à voir avec les actions de son géniteur.

Les claquements de talons sur le carrelage gris du couloir le tirèrent de ses pensées, et il verrouilla son smartphone en levant la tête vers l'origine de ce bruit. Une jeune femme d'une vingtaine d'année le regardait en souriant poliment et s'approcha de lui. Il se releva pour rendre la poignée de main qu'elle lui tendait.

- Monsieur Khemissa, maître Wickham, enchantée ! C'est moi qui vous reçoit aujourd'hui. On va passer dans mon bureau si vous voulez bien.

Formidable. Il était venu chercher un ponte du Droit, et on lui refourguait une gamine certainement plus jeune que lui.

Il aurait finalement du ignorer sa conscience et fuir tant qu'il en avait encore l'occasion, plutôt que de se retrouver entre les mains de Martine-veut-être-avocate. Sérieusement, quel âge elle avait ? Est-ce qu'elle avait au moins fini ses études ? Il essayait de se rassurer en se disant qu'un cabinet aussi renommé n'embauchait pas n'importe qui, mais enfin là, il se posait quand même des questions. Et l'avocate en herbe dû le sentir, ou le lire sur son visage, puisqu'aussitôt assise à son bureau, elle reprit, toujours aussi souriante.

- Je sais que vous n'aviez pas prévu ce rendez-vous avec moi, et je comprends que vous puissiez être réticent, alors je vais me présenter un peu, pour vous rassurer. Et si vous avez d'autres questions n'hésitez pas à les poser. Ensuite, vous serez bien sûr libre de me faire confiance, ou de reprogrammer un rendez-vous avec Mireille, à l'accueil. Ça vous convient ?

Il hocha la tête, curieux d'entendre ce que la gamine avait à dire. De toute manière, il n'avait pas vraiment d'autre choix.

- J'imagine que vous êtes déçu d'avoir affaire à moi, mais sachez que je ne fait que vous recevoir pour un premier entretien. Si il y a lieu de donner suite, maître Boyer reprendra le dossier.
Pour vous mettre un peu plus en confiance, sachez que j'ai passé l'examen du barreau il y a quatre ans, et que je suis entrée dans ce cabinet en tant que collaboratrice de maître Boyer un an après.
Au même titre que mon confrère je suis tenue au secret professionnel le plus strict, nous y sommes très attaché comme vous le savez sûrement.
Nous n'avons aucun contact avec la presse qui ne soit pas connu et voulu de nos clients. Elle s'arrêta un instant, arborant un sourire amusé et se voulant rassurant sur ses lèvres épaisses. Vous serez tranquille, les groupies et les paparazzis n'ont jamais campé devant l'entrée du cabinet.

À la fin de sa tirade, Mohammed du se rendre à l'évidence, cette nana savait parler et se faire entendre. Un rapide calcul lui permit de déduire qu'elle devait avoisiner les 26 ans, ce qui n'était finalement pas si jeune que ça. Et depuis quand faisait-il plus confiance aux vieux qu'aux jeunes pour comprendre ses problèmes ?!
Elle avait l'air sérieuse, même si le fait qu'elle savait pertinemment qui il était ne lui plaisait pas vraiment. L'histoire qui l'avait amené ici n'avait aucun lien avec sa carrière, et il préférait que cela reste ainsi.

Une dernière question lui brûlait pourtant les lèvres.

- Puisque apparemment vous savez qui je suis, j'aimerais... enfin, le prenez pas mal hein, mais, je pourrais avoir votre prénom ? Je sais pas, ça nous mettrait à égalité je crois.

Elle sembla hésiter quelques instants, visiblement gênée par cette question. Elle était tentée de botter en touche, de lui dire que son prénom n'avait rien à voir avec ses capacités professionnelles, et qu'après tout c'est ce qu'il était venu chercher. Mais elle finit par se raisonner.

- D'accord, vous avez raison. Moi je vous connais, enfin artistiquement parlant je veux dire, donc ça me semble compréhensible. Mais ne vous moquez pas, d'accord ?

C'est bien ce qu'il pensait, elle savait très bien qui il était. Il secoua la tête en souriant lui aussi, ayant retrouvé un semblant de gaité le temps de cet échange.

- Je vais essayer, je promets rien.

- Jacquelyn. Je m'appelle Jacquelyn. Mais je préfère Jack. Elle s'empressa d'enchainer, devinant l'hilarité naissante du jeune homme en face d'elle qui menaçait de la gagner elle aussi. Je sais, c'est nul et c'est un prénom de grand-mère. Mais apparemment les vieux prénoms français étaient très à la mode outre-Manche au début des années 90. Et puis, c'est déjà mieux que Berthe ou Gertrude, non ?

Mohammed laissa s'échapper un rire que la jeune femme suivit volontiers quelques secondes, avant de reprendre ses esprits.

- Bon, maintenant qu'on a fait un peu connaissance, on passe aux choses sérieuses ?





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Bonjour bonjour !

Ça me ferait super plaisir d'entendre ce que vous avez à dire sur ce chapitre !

Premier échange entre Sneaz et notre héroïne au prénom tout pété, vous en avez pensé quoi ?

Baci 💛

Le second souffle • NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant