Le second souffle • Nekfeu

26. Every other freckle

8 décembre 2017

D'abord emportée par les trop fortes émotions qui venaient de la traverser, Jack avait répondu par un baiser ardent aux mots du jeune grec, heureuse de comprendre qu'elle venait enfin de trouver l'apaisement qu'elle était venue chercher.
Sentir Ken contre elle, sa peau chaude au point de la faire frissonner, ses lèvres contre les siennes, lui procurait un soulagement intense. Appuyée contre son torse, le nez fourré dans son cou, elle profitait de son odeur qu'elle aurait tellement aimé respirer la nuit dernière. Dans un mouvement quasi-automatique, il avait passé sa main sous ses cheveux et caressait sa nuque, à l'endroit exact de son premier tatouage. Celui qui représentait tant pour elle, celui qui avait contribué à les rapprocher encore plus, parce qu'ils avaient partagé bien plus que leurs corps ce jour-là. Ce contact sur ses plaies du passé lui serrait le ventre autant qu'il la rassurait.

Jack était quelque part soulagée de voir que les doigts de Ken sur son épiderme lui faisaient toujours le même effet, qu'un mois d'absence et ces dix jours chaotiques n'avaient finalement pas entamé les liens qui s'étaient noués entre eux. Pourtant le naturel revint au galop, plus vite qu'elle n'aurait pu le penser, et tout à coup de nouveaux doutes l'assaillaient.
Son attachement à Ken était indéniable, elle en était maintenant pleinement consciente. Mais était-elle prête à l'engagement ? Les mots du grec glissés à son oreille quelques minutes auparavant tournaient et retournaient dans sa tête. Était-elle capable de « construire » comme il l'aimerait ? Elle manquait de temps à consacrer à ses amis et à elle-même, comment trouver le temps et l'énergie de se lancer dans quelque chose de cette envergure ? Jack doutait de sa capacité à le faire et redoutait de se perdre en essayant.

Elle se décrocha délicatement de son contact sous les grognements de mécontentement du brun, trop heureux de pouvoir de nouveau goûter la peau de sa belle. Elle posa ses deux mains à plat sur le torse du jeune homme, cherchant les mots adéquats pour lui faire passer ses doutes sans le froisser.

- Tu sais, je sais pas si... Je travaille beaucoup, et toi aussi, et...

Ses grands yeux tirant presque au vert devaient probablement hurler l'appréhension qu'elle ressentait, puisque Ken ne lui laissa pas le temps de finir, resserrant sa prise autour de sa taille.

- Tranquille, respire. Ça veut pas dire qu'on s'engage sur cinquante ans, et j'ai pas l'intention de te demander en mariage demain. On va faire ça à notre rythme, y'a rien qui change. Sauf que maintenant même si t'es bourrée et en colère, c'est quand même avec moi que tu finis la nuit.

- Ça se voit tant que ça que je flippe ? sourit-elle doucement pour tenter de dissiper sa gêne. Elle posa une main sur la joue du grec en face d'elle et repris. Ne crois pas que je doute de toi ou de mes envies, c'est pas le cas, vraiment. C'est juste que j'ai jamais été très douée avec ces choses-là, je sais pas comment m'y prendre.

Jack s'était sentie obligée de préciser le fond de sa pensée. Malgré l'assurance apparente que Ken affichait, elle savait que ses doutes devaient avoir un effet sur lui.
Si elle redoutait de perdre un peu de sa liberté chérie, elle commençait aussi à comprendre le fonctionnement du grec. Il était certainement en train de remettre en question dans sa tête toute l'affection que la jeune femme pouvait avoir pour lui, comme cela avait été le cas jusqu'à présent. Ils avaient finalement chacun leurs angoisses, et Jack était consciente qu'il leur faudrait du temps pour qu'elles s'estompent réellement.

Ken marqua un temps d'arrêt, scrutant le visage de la jeune femme en face de lui. Il resta silencieux pendant un moment bien trop long au goût de l'écossaise, semblant réfléchir à quelque chose qui échappait encore à la jeune femme. Elle avait remarqué cette tendance qu'avait le brun à parfois avoir quelques secondes d'absence, pendant lesquelles il semblait partir loin dans ses pensées. L'espace d'un instant son regard fixait un point imaginaire, flou, et son esprit voguait au fil des idées qui traversaient sa tête. À la fois apaisé et en proie à une sorte d'ébullition interne, le temps se suspendait autour de lui et il n'écoutait plus les conversations, même lorsqu'il était censé y prendre part. Puis sa bulle se brisait, l'idée qui l'avait frappée repartait comme elle était venue, et le temps reprenait son cours normal. Il rattrapait les conversations en route, et feignait avoir été attentif tout du long.
Cette absence ne durait que quelques secondes tout au plus, la plupart des gens n'y voyait que du feu, seuls ses proches décelaient parfois cette inattention. Jack, elle, en était fascinée.
Elle se demandait toujours à quoi son cerveau pouvait-il bien rêver ainsi, pour détourner aussi subtilement son attention. La rousse le regarda en souriant lorsque son regard chocolat revint se poser sur elle, attendant qu'il prenne la parole.