34. Wake-up call

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1er janvier 2018

Étendue dans le lit, Jack se retourna mollement entre les couvertures, l'intégralité de ses muscles la faisant souffrir, comme au sortir d'une bonne grippe. Elle était réveillée depuis quelques heures, mais refusait de sortir de la chambre de Yaël, où elle avait élu domicile pour la nuit. Elle espérait par la même occasion éviter d'avoir à reprendre pied dans le monde réel. La tête enfoncée dans l'oreiller, l'avocate tentait de se persuader que si elle restait suffisamment longtemps dans cette pièce, les événements chaotiques de la veille se régleraient seuls, sans qu'elle ait à affronter ses responsabilités.

Responsable, elle l'était en grande partie, tant de la tournure de la fin de soirée que de la manière dont Ken lui avait tourné le dos avant de s'éloigner. Encore une fois, sa fierté l'avait condamnée à rester silencieuse, à le regarder prendre le plus de distance possible sans rien faire, sans laisser tous les mots qui lui étaient venus en tête franchir la barrière de ses lèvres.
Comme à son retour du Japon, elle avait refusé d'entendre ce qu'il avait tenté de lui dire. Elle s'était murée dans ses principes, devenus des alibis factices, et avait joué sur les mots pour les retourner contre lui.
Sauf qu'à la différence de leur altercation un mois plus tôt, Ken n'avait pas attendu que Jack le lui demande pour partir, il avait pris la tangente seul. Le regard écœuré qu'il lui avait lancé à ce moment-là avait bien failli lui retourner l'estomac, alors qu'elle était restée là, plantée sur le macadam comme un arbre en ville, les pieds enracinés dans le béton.
Lasse et impuissante, elle avait remonté les escaliers lentement pour prendre le temps de digérer cette nouvelle confrontation. La colère et la frustration ne l'avaient pourtant pas tenue éveillée longtemps, elle s'était couchée épuisée et avait rapidement sombré dans un sommeil qui n'avait été que partiellement réparateur.

Ses yeux la faisaient souffrir depuis qu'elle les avait ouvert, lui faisant regretter d'avoir préféré des lentilles à ses fidèles lunettes pour la soirée. La douleur se fit plus tenace lorsque la porte s'ouvrit sur Yaël, déversant un flot de lumière dans la pièce plongée dans l'obscurité. Celui-ci avait anticipé l'ambiance de la journée. Il avait calé son ordinateur sous son bras et était revenu de la cuisine les bras chargés de victuailles et d'une grande bouteille d'eau pour contrer la gueule de bois de l'écossaise.

- Biquette je t'aime, mais la lumière putain ! Geignit Jack, enfouissant sa tête dans l'oreiller pour se soustraire à l'agression lumineuse.
- Tranquille Dracula, je ferme la porte, répondit le tunisien, arrachant un rire discret et bref à son amie.

Il se délesta des paquets qui l'encombraient avant de s'installer à côté de l'écossaise, puis reprit :

- Mikey est parti pendant que tu dormais. Il se souvient vaguement d'hier, il est mortifié. Il m'a répété au moins quinze fois qu'il était grave désolé, dit-il doucement d'une voix aussi neutre que possible, comme pour tester les réactions de sa sœur de cœur.

- Il fait chier, il est insupportable quand il est comme ça, grogna-t-elle. J'ai vraiment cru que j'allais le fracasser.

- Ça lui aurait fait du bien, dit le tunisien en haussant les épaules, détaché. Il faut qu'il arrête d'abuser comme ça, surtout que c'est pas la première fois. Mais il a l'air sincère. Il m'a même demandé si j'avais le numéro de Ken, il voulait l'appeler pour s'excuser, ricana-t-il.

Jack se raidit à l'évocation du grec. Elle savait que Yaël se doutait certainement de quelque chose puisqu'elle était revenue squatter son lit au lieu de raccompagner le rappeur chez lui, et reconnaissait bien là son tact pour approcher un sujet qu'il devait deviner sensible. Se sentant démasquée elle soupira, daignant enfin se retourner pour faire face à son meilleur ami qui la fixait d'un air interrogateur.

Le second souffle • NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant