Le second souffle • Nekfeu

32. On fire

1er janvier 2018

L'heure avançant, la soirée déliait encore un peu plus les bouches et les esprits. Le gong de minuit avait sonné depuis longtemps, et tous s'étaient sauté dans les bras pour se souhaiter le meilleur pour l'année à venir. Comme chaque année depuis près de quinze ans qu'ils fêtaient cet événement ensemble, Jack et Yaël s'étaient serrés longtemps dans les bras, se glissant à l'oreille des messes-basses dont eux seuls gardaient le secret. Plus encore que ses parents, chez qui elle avait atterri lorsqu'elle avait déjà dix ans, Yaël était la personne qui partageait sa vie depuis le plus longtemps.
Intimement persuadée que tous ceux qui entraient dans son quotidien avaient vocation à en sortir à un moment ou un autre, chaque année fêtée avec son frère de cœur était pour Jack un pied de nez à son destin. Elle avait gagné une année de plus. Et comme chaque 1er janvier, le vœu qu'elle formulait sans un mot était toujours le même. Encore un peu de temps, encore un an.
Au bout d'un moment qu'ils n'auraient su quantifier, ils avaient tous deux relâché leur étreinte en souriant, et la soirée avait repris son cours.
Jack s'était ensuite attardée un moment avec Ken, lui promettant tout bas de fêter cette entrée en 2018 comme il se devait, lui murmurant à l'oreille des idées qui avaient fini par lui donner chaud. L'année ne pouvait mieux commencer.

Plusieurs personnes avaient déjà quitté l'appartement de Yaël, ce qui avait permis aux survivants de se rassembler autour de la table basse, entassés sur les canapés ou assis par terre. Épuisée, Leila était déjà rentrée se reposer, escortée par Doums qui devait garder son fils dès le lendemain matin. Ken, toujours bien éveillé grâce aux promesses de sa belle, avait posé sa main sur la cuisse de Jack assise à côté de lui, tandis que Nastja les bombardait de questions sous l'oreille attentive de Mikey et Diego. Moh et Yaël, qui connaissaient déjà l'histoire en long en large et en travers, étaient pour leur part engagés dans une discussion animée avec Idriss et Haks pour déterminer lequel des trois pays du Maghreb était supérieur aux autres, enchaînant les vannes et se charriant volontiers.

- J'ai du louper un épisode, on s'est pas vues depuis un moment Jackie. Vous êtes ensemble depuis combien de temps du coup ? Demanda la jolie slave, sincèrement intéressée.

Jack échangea un regard interrogateur avec Ken. Leur décision explicite de se lancer dans cette aventure était somme toute assez récente, mais ils savaient tous les deux qu'ils étaient en vérité déjà liés bien avant cela. L'écossaise haussa les épaules, optant finalement pour une réponse à mi-chemin entre ces deux réalités qu'il leur était difficile de combiner.

- Un peu plus d'un mois.

- Cinquante euros que ça tient pas trois mois ce délire ?

Jack se tourna vers Mikey, qui venait de se pencher vers Diego dans un manque de discrétion et de classe flagrant, sa tentative de confidence ayant échoué. Se sentant pris sur le fait, le britannique adressa un sourire entendu à la jeune femme, ajoutant qu'elle était way too wild for that [bien trop sauvage pour ça]. Mal à l'aise, Diego esquissa un mouvement de recul, tentant de mettre davantage de distance entre lui et le brun qui transpirait l'alcool par tous les pores de sa peau. Il lança un rictus crispé à l'attention de l'avocate, qui lui répondit par un sourire rassurant. Cette dernière savait pertinemment que le problème ne venait pas du petit blond, beaucoup trop timide et discret pour se permettre ce genre de blagues douteuses.

Crispé, Ken soupira le plus discrètement possible. Depuis qu'il était arrivé, Mikey n'avait cessé de lancer des piques du genre à Jack, en particulier quand cela le concernait lui aussi. Il s'était jusque-là retenu de lui rentrer dedans, préférant éviter de faire un esclandre au beau milieu de la soirée, mais cet anglais commençait sérieusement à l'agacer. Heureusement, Jack non plus n'avait pas sa langue dans sa poche et avait passé une bonne partie de la soirée à le recadrer fermement, ce qui avait distrait Ken, souriant de son sens de la répartie.