27. Belsunce Breakdown

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20 décembre 2017

Mesdames, messieurs, nous arrivons en gare de Marseille Saint Charles, terminus de la ligne. Tous les passagers sont invités à descendre. Merci de ne rien oublier à bord. Attention à la marche en descendant du train.

La voix nasillarde grésillant à travers les haut-parleurs du TGV tira lentement Jack de son sommeil. Autour d'elle les passagers pressés s'agitaient et rassemblaient déjà leurs affaires alors même que le train n'était toujours pas arrivé à quai. Reprenant peu à peu pied dans la réalité, elle laissa son regard s'évader par la fenêtre à côté d'elle, lui offrant le spectacle des paysages de son enfance.
Elle sourit lorsque le train glissa lentement le long des bâtiments industriels de la Friche Belle de Mai, en repensant aux soirées d'été endiablées qu'elle y avait passé pendant ses premières années de fac.
Elle avait tant de souvenirs dans cette ville qu'elle avait parfois l'impression de ne jamais l'avoir quitté. Ses pas avaient arpenté en long et en large les rues cosmopolites et bruyantes qu'elle aimait tant, et une boule d'excitation se forma au creux de son estomac en pensant qu'elle était bientôt de retour.

Marseille avait été son premier amour. Dès son arrivée, malgré le dépaysement total qu'avait constitué la cité Phocéenne en comparaison des plaines écossaises, Jack se souvenait y avoir été à l'aise et heureuse. Elle se rappelait des heures passées à traîner dans les rues du centre-ville entre les cours, des heures tuées à tourner dans la section Livres de la Fnac du Centre Bourse, de ses premières cigarettes fumées en cachette au bout du Vieux port à l'adolescence, les pieds balançant au-dessus de l'eau sale et les yeux rivés sur Notre Dame de la Garde, qui régnait sur la ville en Bonne Mère vénérée.
Pour ne rien lui enlever, c'était aussi la ville qui lui avait permis de rencontrer Yaël, ses parents, et quelques-unes des autres personnes les plus importantes de son existence. Cette ville et ses habitants l'avaient quelque part sauvée, puis vue grandir et évoluer. Jack l'avait quittée presque à contrecœur, consciente que les opportunités qui s'offraient à elle dans la capitale étaient essentielles. Mais y revenir était toujours un plaisir délicieux dont elle ne se lassait pas. C'était peut-être même cet attachement si fort à cette métropole qui expliquait qu'elle avait tant de mal à se lier à Paris malgré ses efforts.

Se faufilant à travers les voyageurs à quais, elle marcha d'un pas vif vers le parvis de la gare, qui lui offrait une vue imprenable du haut des escaliers, gardés par les statues d'inspiration grecque aux têtes de bronze verdies par le temps. Elle resta là un moment, profitant des rayons clairs du soleil de ce matin de décembre qui venaient caresser sa peau. Elle avait beau ne trouver aucun problème à passer trois semaines sous la pluie battante, le soleil Méditerranéen lui manquait toujours un peu.
Ses yeux parcoururent rapidement le quartier des alentours de la gare, loin d'être le plus riche ou le plus beau de la ville. Pourtant elle regretta rapidement d'être aussi chargée, devant préférer le métro à la marche, tant elle aurait aimé se réapproprier les lieux.

La châtaine tourna finalement les talons pour se rediriger vers l'intérieur. Elle s'enfonça lentement dans les entrailles de la gare, lasse à la seule pensée du trajet qu'il lui restait à accomplir en transports en communs.
Malgré les 45 minutes minimum qui la séparaient encore de sa destination finale, elle avait refusé que son père pose une demi-journée de congé uniquement pour venir la récupérer à la gare, ayant décrété qu'elle s'était toujours débrouillée sans avoir à les déranger.

Quelques années avant son départ pour Paris, ses parents avaient touché un héritage qui leur avait permis d'acquérir une maison de village à l'est de la ville, quittant par la même occasion la ferveur du centre. Si Jack n'avait que peu de souvenirs dans ce nouvel endroit, elle savait que les nombreuses chambres de la demeure étroite et biscornue, s'étirant sur trois étages étaient en permanence remplies d'enfants et d'adolescents qui partageaient peu ou prou le même parcours de vie chaotique.
Ses parents voyaient parfois les choses en grand.
La dernière fois qu'elle avait posé la question à sa mère, celle-ci avait été incapable de lui donner le nombre exact de personnes qui séjournaient actuellement chez eux, oscillant entre neuf et douze selon les semaines.

Le second souffle • NekfeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant