Comment reprendre son souffle après un tel baiser ?
Les lèvres s'éloignent l'une de l'autre, Amandine se blottit contre Raphaël qui l'enserre dans ses bras, leurs corps se balancent légèrement, debout, sur la scène, jouant avec lenteur la symphonie des cœurs dans un auditorium sans auditeurs.
La jeune fille relève la tête, le respire, caresse sa peau avec ses lèvres. Il a toujours cette odeur de pain chaud mêlé de métal. Raphaël sait juste qu'Amandine sent bon, mais de là à décomposer son parfum, il en serait malheureusement incapable. Et cela le fascine ; cette absence de nez l'invite à y porter attention, il y trouve un mystère qu'il aimerait explorer, un mystère dont il est heureux de ne percer les secrets. Ils s'embrassent une nouvelle fois, se regardent, se sourient. Amandine lui prend la main pour l'emmener un peu plus loin, elle l'espère, vers une autre surprise.
— Comme je suis contente ! Elles sont toujours là.
Deux boîtes poussiéreuses sont au sol, contre la paroi en demi-cercle autour de l'orchestre. Une pour lui, une pour elle, ils les prennent et les posent sur le piano. Amandine décroche le loquet de sa boîte, relève le couvercle afin de l'ouvrir en deux. Un plateau circulaire, une manivelle, et un bras métallique qui s'entortille.
— Qu'est-ce que c'est ? Une autre machine ? demande Raphaël avec curiosité.
— Attends... Ferme les yeux, le prie la jeune fille.
Le jeune homme marque son interrogation avec les sourcils.
— S'il te plait, Raphaël. Ferme les yeux.
L'entendre prononcer son prénom, et il ne répond plus de rien : le voilà qui s'exécute. Amandine ouvre alors la seconde boîte, plus grosse et plus lourde que la première. À l'intérieur, des pochettes, fines, carrées. Elle en tire une, regarde, elle en tire une autre, puis une autre, et trouve enfin. Elle glisse ses doigts dans la pochette, sort un disque noir qu'elle détaille en souriant. Raphaël se tient à côté, docile, les yeux fermés. Il se demande quelle merveille lui réserve encore Amandine. Celle-ci déplace le bras mécanique afin de déposer le disque sur le platine de la première boîte. Elle prend la manivelle, l'introduit sur un des côtés, puis la tourne.
— Garde les yeux fermés, écoute et ressens.
Le ressort remonté, Amandine actionne le mécanisme.
Raphaël entend le « clic », la libération d'une force mécanique qui entraine une rotation, accélère avant qu'un régulateur assure une vitesse constante. Il reconnaitrait ce bruit entre mille. Par contre, il ne saurait définir le grain sonore qui lui parvient, comme si de la poussière s'était déposée sur les vibrations de l'air, et qu'elle crépitait à son contact.
Et pour la première fois, il entend un son, léger, virevoltant, au rythme lent, qui lui chatouille les oreilles avec des rondeurs, tirées, poussées, vibrantes, quelque peu nasillardes à cause des éclats de poussières qui l'accompagnent. L'effet est presque immédiat, des frissons lui parcourent la nuque. Les yeux fermés, Raphaël interroge :
— Quelle est cette machine ?
— C'est du violon. Ce n'est pas une machine, c'est un « instrument », répond Amandine. Et tu entends ? Il y en a d'autres qui jouent moins fort, en fond.
— C'est doux... Et ça a changé, non ? Qu'est-ce que c'est ?
— C'est un violoncelle. On le reconnait à ses notes plus larges, plus puissantes.
— On dirait qu'ils chantent la même chanson. Ils se répondent...
— Oui, ils jouent ensemble, en dialogue.
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Une nuit parmi les étoiles [Roman]
Ficção Científica"Qu'importe que cela ait existé ou annonce ce qui existera, c'est une vérité dans laquelle tu es pris à partie. Tu ne peux y échapper, même si tu choisis de fermer le livre à cet instant. Fuir est une des solutions pour traiter ce qui nous dérange...