Chapitre 38 - Le Cèdre bleu

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Aujourd'hui est le dernier jour des événements. Ce soir, l'eau va mécaniquement s'arrêter de tomber, puis le vent de venter, le tonnerre de tonner et l'orage... d'orager ? C'est exactement ce qui se passera quand sonneront 18 heures. En attendant, la sirène de fin de tâche retentit. Elle résonne dans les tunnels et surplombe le vacarme qui règne dans les tréfonds de la plus immense tour de béton construite sous le Dôme.

Raphaël ajuste quelques réglages, procède aux dernières vérifications avant de laisser sa machine jusqu'au lendemain. La boîte est toujours sur l'étagère, bien en vue. S'essuyant les mains recouvertes de cambouis, le jeune homme se tourne vers elle. Il a terminé et peut remonter à la surface, le coffret sous le bas, son cœur à l'intérieur.

*

Au bout d'un moment, elle a arrêté de se poser des questions. Elle a réussi à quitter son poste plus tôt que d'habitude, il suffisait de le demander, tout simplement, et on lui a accordé sans faire de commentaire, juste en souriant.

Dans l'ascenseur, Amandine baisse les yeux, rougit et ne peut réprimer un sourire au coin. C'est que dans la cage qui descend, tout le monde sourit, se parle, rigole. Une petite chanson est même reprise en canon par trois citoyens. C'est qu'il fait beau dans cet ascenseur.

*

Comme s'il existait une loi étrangement bien faite, voilà qu'un objet oublié pour l'un, devient un objet trouvé pour l'autre. Il doit exister des règles implicites dans ce jeu-là, où les gants perdus quelque part nous sont rendus ailleurs, dépareillés la plupart du temps et jamais de notre taille, mais étrangement rendus malgré tout. Pour autant, on n'ose pas prendre ce qui ne nous appartient pas, et puis nous ne sommes pas membres de la C.S.G.E : la Communauté Secrète des Grands Étourdis. Si une telle association existe, Raphaël en est membre d'honneur à vie. Aussi, il est dans l'ordre des choses, et dans le respect de coutumes ancestrales que le parapluie oublié ici, juste à la sortie du couloir principal, puisse lui être utile, car il pleut à torrents dehors.

— Quelqu'un a oublié son parapluie ? Personne ?

Demain, Raphaël le redéposera là où il l'a trouvé. C'est de bonne guerre : combien de parapluies a-t-il lui-même abandonnés au profit de la confrérie des étourdis ? Au moins comme ça, il ne sera pas trempé. Ça aurait fait mauvais genre d'arriver dégoulinant.

*

La pluie tombe dru.

Sous son parapluie, le sien, Amandine marche dans la rue, emprunte le chemin pour le District C-Douze. Elle se presse, n'arrive plus à attendre, désire y être au plus vite quitte à être en avance, surtout pas en retard. Elle hale une automécanique collective, demande la destination : ça ne convient pas. Ils sont prêts à changer d'itinéraire, disent-ils. Amandine les remercie, mais préfère ne pas les détourner. Elle en arrête une autre : eux, peuvent aller où elle veut, assurent-ils. Non, ça ne va pas, elle ne va pas les obliger à aller à contre sens. Elle referme la portière, décide d'aller par ses propres moyens.

Elle a rendez-vous avec un sourire, un soleil ce sourire.

Elle court.

*

Droit devant, Raphaël aperçoit les grilles du Vivier. L'émotion le submerge, joie, excitation et peur, son ventre se noue. Il continue sa marche le cœur battant, se demandant s'il explosera lorsqu'il apercevra Amandine. Et son cœur explose en effet ! La question ultime lui est posée, celle que l'on pose à chaque fois, à chaque citoyen ; celle à laquelle il faut apporter une réponse, dire « oui » et le prouver :

Une nuit parmi les étoiles [Roman]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant